"Dalton Trumbo" : plaisir gourmand pour cinéphiles

de Jay Roach (E.-U., 2h04) avec Bryan Cranston, Diane Lane, Helen Mirren…


Vissé à sa machine à écrire, l'écrivain, scénariste et réalisateur américain Dalton Trumbo a signé parmi les plus grandes pages du cinéma hollywoodien (Vacances romaines, Spartacus, Exodus…). Mais il a aussi mené une vie personnelle et citoyenne romanesque. Le biopic que lui consacre Jay Roach, avec Bryan Cranston (Walter White dans la série Breaking Bad), relate le parcours de ce blacklisté haut en couleur, qui défia la chasse aux sorcières en industrialisant l'écriture sous prête-noms et glanant des Oscars à la barbe de McCarthy et de ses séides.

S'il est enlevé et jouissif, à l'image du personnage, le film n'est qu'un instantané de son existence. Il se penche uniquement sur la période  aussi conflictuelle qu'héroïque de l'après-guerre (Trumbo auteur reconnu et installé, a déjà publié Johnny Got His Gun), et fait l'impasse sur la fin de sa carrière (son passage à la réalisation avec Johnny Got His Gun). Un plaisir gourmand pour les cinéphiles, ravis de naviguer dans les coulisses hollywoodiennes parmi les légendes (sont ici convoqués Otto Preminger, John Wayne…) et un joli tour de force pour l'auteur de la série Austin Powers qui mêle ses comédiens à d'authentiques séquences d'archives.

Grâce à la prescription, Roach détaille la lâcheté des grands studios (défendant leurs intérêts par de courageuses reculades face aux chantages exercés par les tenants d'une Amérique telle que Trump la rêverait), aux antipodes de l'attitude digne d'un Kirk Douglas. Et se fait plaisir en révélant la folie intégrale du producteur Frank King, merveilleusement campé par John Goodman.

Ces séquences de farce n'occultent pas l'essentiel : Trumbo a payé cher, sa famille également, pour ses idées. Mais finalement, son œuvre illumine le cinéma et le bénéfice son combat rejaillit sur son pays. Les États-Unis peuvent donc le remercier : on a toujours besoin d'un communiste chez soi.


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