Jean-Paul Angot : « Un théâtre sans artistes est un astre mort »

Alors que la Ville de Grenoble a annoncé une baisse de 6% de la subvention de la MC2, plus grande scène nationale de France, son directeur Jean-Paul Angot nous a envoyé cette tribune. Où il est question du public, des artistes mais aussi de politique culturelle métropolitaine.


Samedi 11 juin, la saison 15/16 de la MC2 s'est conclue avec la dernière représentation de À Ố Làng Phố, merveilleux spectacle circassien vietnamien. Tout au long de la saison, des spectateurs fidèles ou occasionnels sont venus sur le site de la rue Paul-Claudel ou chez nos partenaires du département, soit à nouveau plus de 100 000 entrées. Ils viennent attirés probablement par la diversité des propositions mais aussi par l'inlassable travail d'action culturelle que nous menons en direction du public. Ce public ne se constitue pas en un jour, il se renouvelle en permanence (35% chaque saison). Ce ne sont donc pas toujours les mêmes et nous nous en réjouissons car cela nous laisse un vaste travail que nous partageons d'ailleurs avec toutes les salles de notre Métropole.

Tout au long de la saison, nous avons aussi permis que naissent ici des spectacles que nous produisons et qui ensuite sillonnent le territoire français et même au-delà. Des "créations" comme nous les désignons dans notre langage. Ce beau mot de création porte en lui à la fois espoir, audace et risque. C'est l'un des piliers de l'activité de notre Scène Nationale et c'est pour cela que l'État contribue à près de 50% de notre financement public. Nous ne comptons pas uniquement sur les subventions, puisque les entrées et les ventes de spectacles nous permettent de boucler à 40% notre budget. Il est donc primordial que notre activité se maintienne à ce niveau sous peine de voir fuir le soutien public et notamment celui de l'État prompt à devoir combler les inégalités territoriales. Et de ce point de vue là, notre métropole est très bien lotie, il ne faudrait pas que cela change.

« Des salaires et de l'emploi »

Toutes ces dépenses ne sont que des salaires et de l'emploi et sont donc directement réinjectées dans l'économie locale. Les baisses des contributions (la baisse de la Ville de Grenoble ayant entraîné celle de la région) visent en premier les plus précaires, les intermittents pour qui l'emploi baisse concrètement. Et parmi eux tous les artistes qui sont acclamés chaque soir. Un théâtre sans artistes est un astre mort, un théâtre qui ralentit son activité est un espace d'espoir et de liberté, de joie et d'émotion, qui s'éteint. Les artistes et leurs œuvres sont ceux qui éclairent et qui luttent ainsi contre l'obscurité qui nous guette et qui envahit déjà certaines contrées du monde d'aujourd'hui. Leurs œuvres et leurs paroles sont là aussi pour réveiller les consciences même si, parfois, elles dérangent, leur liberté est la nôtre.

L'enjeu culturel métropolitain est à construire, il est majeur et fait l'objet d'un travail de fond en lien avec les acteurs culturels. La place des institutions est centrale, elles ne doivent pas être vécues que comme "consommatrices" d'argent public mais comme un service public aux multiples moteurs de développement : personnel, économique, scientifique, social, philosophique. L'argent public n'est pas une denrée ou une ressource naturelle, il n'est que le résultat d'une collecte d'impôts. La baisse de l'impôt comme unique argument n'a comme conséquence que le recul des nécessités dues à tous les citoyens. Si l'on veut retrouver une mobilisation électorale et non un désaveu par l'abstention, il faut tenir un langage d'espoir et des propositions concrètes. La présidence de la Métropole a pris le sujet culturel à bras-le-corps, il faudra qu'une large majorité la soutienne lorsque le contour précis sera déterminé.


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