Musilac met le feu au lac

Aussi foisonnante que pointue, éclectique que bien choisie, populaire (Les Insus, Elton John) que fureteuse (Barns Courtney), hurlante (Mass Hysteria) que susurrante (Lou Doillon), la programmation de la nouvelle édition de Musilac (Aix-les-Bains, Savoie) est un joyeux casse-tête autant qu'un labyrinthe où il fait bon se perdre. Nous avons posé ça et là quelques balises.


Foals

À quoi voit-on qu'une sauce est en train de prendre pour de bon ? C'est simple : quand certains commencent, affublés d'une grimace de doute, à l'accuser d'avoir tourné. C'est bien le phénomène qui se produit avec Foals, prodigieux groupe anglais de disque et de live, dont l'ambition démesurée (pour schématiser, on pourrait dire qu'ils ont remisé leur math-rock pour s'attaquer à une sorte de pop quantique en mutation permanente) commence à faire dire que la formation menée par Yannis Philippakis n'aspire qu'au rock de stade (mi-Muse, mi-Pink Floyd tardif).

Procès sévère – si l'on n'a même plus le droit d'enflammer les foules... Ironie du contexte aixois, Foals se produira sur la scène montagne quand précisément à l'écoute de leur dernier album, pourtant intitulée What went down, on a la très nette sensation de parcourir une montagne sans jamais savoir si l'on est en train de la gravir ou de la descendre.

Dimanche 10 juillet à 21h10

 

Grand Blanc

L'Australie, la Réunion, Aix-les-Bains : impossible de se baigner tranquille. La nature est devenue tellement folle qu'on ne peut plus barboter deux secondes dans l'insouciance estivale sans se faire croquer par un Grand Blanc. Certes, Grand Blanc, le groupe français, ne mord pas vraiment mais pour ce qui est de venir souffler de l'intranquillité sur la nuque de vos aspirations festives, il n'y a pas mieux.

C'est même un peu le concept du dernier album, qui est d'ailleurs le premier, de ces Lorrains à la discold-wave dévastatrice et aux tubes dévorants. Ils ne sont peut-être pas des têtes d'affiche du festival au sens premier du terme, mais ils en ont la gueule. Et grande ouverte avec ça.

Samedi 9 juillet à 15h25

Elton John

Bien sûr, il y ce côté Liberace rondouillard ; bien sûr, il y a les toupets gênants ; bien sûr, il y a Candle in the Wind et toutes ces sortes de choses comme disent les Anglais. Mais si c'est pour se rappeler le jour où il cassera sa pipe qu'Elton John restera comme un des géants de la pop, autant le faire aujourd'hui.

Et cessons d'oublier qu'il a été l'un des musiciens les plus inspirés de son temps – même si pas forcément du nôtre. Réécouter ses grands albums des 70's peut coller une remarquable claque et rappeler que le glam rock c'était aussi lui – et que Candle in the Wind figure sur son chef-d'œuvre Goodbye Yellow Brick Road, comme quoi. L'un des musiciens les plus doués aussi pour mettre la larme à l'œil à un menhir. Alors ne boudons pas notre Elton.

Samedi 9 juillet à 22h

Courtney Barnett

Bon, pas la peine d'y aller par quatre chemins : l'Australienne Courtney Barnett est ni plus ni moins que la petite fiancée de l'indie-rock, ravivant aussi bien le fantôme de la PJ Harvey du début des 90's que l'ère slacker précédant de peu le grunge (Pavement, ce genre), à l'image du titre de son premier véritable album Sometimes I sit and think and sometimes I just sit – ce qui vaut programme politique.

Avec une nonchalance caractérisée, un charme qui ne dit pas son nom, et un vrai sens caché de la mélodie, Courtney Barnett emballe des tueries de morceaux dans des guenilles soniques, comme on cache par pudeur sa beauté dans un trop grand tee-shirt. Ce qui a bien souvent l'effet inverse de celui recherché. Courtney ? Love.

Dimanche 10 juillet à 17h05

Barns Courtney

Allez donc faire votre trou dans un festival quand, en guise de nom de famille (Courtney), vous portez le prénom d'une des têtes d'affiche du festival. Et qu'en plus, ce qui vous fait office de prénom (si tant est que c'en soit vraiment un, puisqu'en réalité, lui c'est Barnaby) ressemble furieusement au patronyme de l'artiste précitée. Mais non, Barns Courtney n'est pas à Courtney Barnett ce que Sébastien Patoche est à Patrick Sébastien.

Élevé à l'autre bout du monde de Courtney Barnett, à Seattle, développé aussi un peu du côté d'Ipswich en Angleterre, Barns fait partie de ces jeunes mâles américains biberonnés à l'Americana, capable de faire mugir une guitare ou de faire feuler leurs cordes vocales en mode crooner de saloon ; d'évoquer Nashville comme la capitale du grunge, les Avett Brothers comme San Fermin. Malgré tous ces prénoms qui n'en sont pas, le Barns est à deux doigts de se faire un nom, un vrai.

Dimanche 10 juillet à 15h25

VKNG

On connaît généralement Thomas de Pourquery pour son gros sax et sa grosse barbe, ses nombreuses, éclectiques même si discrètes collaborations – Frànçois and The Atlas Mountains, Jeanne Added, Metronomy, Oxmo Puccino, Mick Jones. Moins pour ses quelques apparitions au cinéma (dans La Loi de la jungle encore tout récemment) et plus pour son album Play Sun Ra de 2014 (où il reprenait... Sun Ra).

On connaît aussi, un peu, Maxime Delpierre pour ses talents de guitariste et réalisateur-arrangeur, et ses collaborations avec Médéric Collignon et Louis Sclavis. Partenaires de longue date, autour du jazz notamment, les deux ont fondé VKNG il y a trois ans. Et on est loin du groupe de métal qu'un tel nom pourrait laisser imaginer. Plutôt dans une sorte de funk quasi-bowien, se réclamant tout aussi bien des Flamings Lips que de LCD Soundsystem. C'est dire dans quelle macédoine on nage. C'est dire aussi à quel point c'est accrocheur et potentiellement irrésistible.

Dimanche 10 juillet à 16h15


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