"Trois Grandes Fugues" : un quatuor pour trois chorégraphes

Superbe affiche de rentrée à la MC2 pour le fameux Ballet de l'Opéra de Lyon qui reprend les "Grandes Fugues" magistrales de Maguy Marin et d'Anne Teresa de Keersmaeker. Et s'approprie celle de Lucinda Childs, venue spécialement à Lyon cet été pour la créer. Jean-Emmanuel Denave et Nadja Pobel


Maguy Marin, Anne Teresa de Keersmaeker, et maintenant Lucinda Childs... Que de succès féminins pour Ludwig van Beethoven et sa Grande Fugue, l'une de ses dernières pièces musicales composée entre 1824 et 1825. Ces trois grandes dames de la danse ont, chacune dans leurs univers dissemblables, été fascinées par ce quatuor à cordes, controversé à l'époque de sa création et aujourd'hui considéré comme le sommet de l'œuvre de l'Allemand. Car Beethoven y entremêle la puissance d'expression dramatique qu'on lui connaît à une forme de composition des plus complexes : une savante combinaison de sonate, de fugue et de variation, ainsi qu'une structure contrapuntique.

Inventant sa danse au plus proche des partitions musicales qu'elle entreprend de travailler, on imagine alors la jubilation d'Anne Teresa de Keersmaeker devant un tel monstre sacré. Sa Grande Fugue, créée en 1992 et transmise au Ballet de l'Opéra de Lyon en 2006, dessine, avec huit interprètes en costumes, des lignes dansées analogues aux lignes musicales de Beethoven. Une réussite.

Bouillonnement

En 2001, c'est plutôt un cri que lançait Maguy Marin avec sa vision de la Grande Fugue. Un cri tragique où l'urgence à vivre s'y dispute avec la fatalité de la mort, les courses et les sauts fougueux avec les chutes et les effondrements. Quatre danseuses en robes rouges se jettent sur le plateau pour, comme l'indique la chorégraphe, « une intrication qui prend corps entre la vie surgissante de l'être féminin et l'état d'enthousiasme et de désespérance de cette musique. Pris dans ce bouillonnement effervescent, on avance dans une course effrénée. » Là aussi une réussite.

Quant à Lucinda Childs, papesse de la danse minimaliste américaine, sa création promettait un certain changement de registre artistique avec beaucoup d'effets lumineux sur scène (signés Dominique Drillot) et des variations continues de duos, de quatuors et de danses collectives pour douze interprètes du ballet. Hélas, elle fige les danseurs, aucun geste ne se déployant vraiment. Une bien pâle proposition au regard de ce qu'elle a fait par le passé et, surtout, en comparaison des deux séquences bouleversantes et infiniment vivantes qui suivent.

Trois Grandes Fugues
À la MC2 du mercredi 4 au vendredi 6 janvier


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