"La La Land" : vintage d'or hollywoodien

À Los Angeles, cité de tous les possibles et des destins brisés, Damien Chazelle déroule l'histoire en cinq saisons de Mia (Emma Stone), aspirante actrice, et Seb (Ryan Gosling), qui ambitionne d'ouvrir son club de jazz. Un pas de deux acidulé vers la gloire, voire l'amour réglé à l'ancienne, par l'auteur du pourtant très contemporain "Whiplash". Un aspirateur à Oscars ?


N'est-il est agréable, parfois, de se rencogner dans de vieux vêtements assouplis par le temps, de déguster un mets régressif ou de revoir un film jadis adoré ? Ces doux instants où l'on semble s'installer au-dedans de soi procurent un réconfort magique… à condition qu'ils demeurent brefs. Plaisant à visiter, la nostalgie est ce territoire paradoxal où il est déconseillé de s'attarder, au risque de se trouver prisonnier de ses charmes trop bien connus.

Lorsqu'un artiste succombe à la tentation de ressusciter le passé par le simulacre, il s'attire de bien faciles sympathies : celles des résidents à plein temps dans le "c'était-mieux-avant", auxquels se joignent les fervents amateurs des univers qu'il cite ou reproduit – ici, un canevas digne de Stanley Donen / Gene Kelly, habillé de tonalités musicales et colorées à la Jacques Demy / Michel Legrand, émaillé de jolis tableaux façon Leonard Bernstein / Jerome Robbins ou Vincente Minnelli.

Je m'voyais déjà…

Attention, il ne s'agit pas de minorer ni les mérites ni le talent de Damien Chazelle : La La Land s'avère un très honorable hommage au genre comédie musicale comme à la légende dorée des studios, même si l'histoire se déroule de nos jours. La mise en abyme hollywoodienne légitime son recours à des codes désuets : les Coen n'avaient pas fait différemment pour leurs séquences chantées dans Ave César (2015).

La La Land dispose de deux thèmes imparables : celui de l'ouverture, Another Day of Sun, swing et rythmé, de nature à ne plus vous quitter l'esprit ; et puis Late for the Date, mélodie mélancolique s'enroulant autour de l'âme de la belle. Deux partitions ad hoc, déclinées à merveille durant le film, rappelant combien fructueuse et bénéfique pour une œuvre peut être l'entente entre un compositeur (Justin Hurwitz en l'occurrence) et un auteur. Cette synergie transcende le film et porte les comédiens, davantage que le scénario, dont le seul grand mérite est de caresser une structure de mélo.

Hurler au miracle ou au chef-d'œuvre serait donc un peu exagéré. On peut quand même s'amuser de la réactivité pavlovienne d'Hollywood, si prompt à l'autocélébration, s'emballant au-delà du raisonnable lorsqu'un film au classicisme rassurant brosse sa légende dans le sens des lauriers – un engouement comparable avait été observé à l'époque de The Artist (2012), film certes sympathique, mais sans doute le plus conventionnel de Michel Hazanavicius. On eût préféré voir cette vague soutenir davantage le nerveux et audacieux Whiplash.

La La Land
de Damien Chazelle (E.-U., 2h08) avec Ryan Gosling, Emma Stone, John Legend…


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