L'Éclatement et l'éclat


Ils sont là, Jacques Weber et Gilles Privat, Julius et Olaf qui attendent dans leurs gros fauteuils de cuir, dos à dos ou presque. Attendre quoi ? Que le vide se remplisse certainement, que la vie ne s'arrête pas. Le décor monumental étouffe presque, le plafond massif les condamnent, comme souvent dans le travail que mène Braunschweig avec Ibsen notamment. Le ciel menace de tomber sur la tête des personnages qui sont à mille lieux de préoccupations si bassement matérielle. Dans ce hall d'hôtel, lieu de passage, la vie va s'inscrire par fragments entre les murs et Botho Strauss va, en avance sur son temps (la pièce date de 1988), faire littéralement buguer le spectateur, tant il déconstruit sa narration. Françon, le metteur en scène,  n'a plus rien a prouver, il a tout monté (Ibsen, Tchekhov, récemment encore Beckett avec Serge Merlin dans Fin de partie) alors ce texte semble tomber à pic pour se jouer des codes de l'espace qu'il maîtrise parfaitement. Et de diriger outre Charlie Nelson, Dominique Valadié et Wladimir Yordanoff (excusez du peu), l'impériale Georgia Scalliet au rôle parfaitement insaisissable. Formée à l'ENSATT, entrée à la Comédie française en 2009, sociétaire depuis le 1er janvier, elle possède l'art d'être à la fois évanescente et d'occuper tout le plateau en le traversant furtivement. Au-delà de la partition qu'elle défend, elle s'impose dans ce casting avec une grâce et un professionnalisme rarement vus.

Le Temps et la chambre
À la MC2 du 14 au 17 février


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Pierre Coré : « J’aime qu’il y ait des niveaux de lecture pour chaque public. »