Grenoble : un contrat municipal pour parler à la culture

Après les coupures du fameux "plan de sauvegarde" (comme l'annonce de la fermeture de certaines bibliothèques), Corinne Bernard, adjointe aux cultures à la Ville de Grenoble, tente de reprendre la main. Lors du conseil municipal du lundi 6 février, elle a présenté une délibération-cadre dans le but de dévoiler, à mi-mandat, les grandes directions de la politique culturelle de l'équipe Piolle. Décryptage du document.


Devant l'Hôtel de Ville de Grenoble, avant le conseil municipal, le cérémonial se poursuit mois après mois. Des colonnes de policiers filtrent les entrées. En face, des manifestants luttent, entre autres, pour garder les bibliothèques ouvertes. Le dialogue semble en panne entre la culture et Grenoble ? L'équipe municipale veut le relancer.

« La culture est un enjeu symbolique : il y a des débats, des combats autour de cela » euphémise le maire Éric Piolle le lundi 6 février avant la présentation par l'adjointe aux cultures d'une délibération-cadre censée calmer les esprits. Celle-ci a pour but de donner (à la suite des délibérations de juillet 2014 et septembre 2016) les grandes orientations en matière de culture – le deuxième budget de la Ville. Deux termes y reviennent : la clarté et l'indépendance. Pour ce dernier mot, cela passe par une déclaration d'intention : « la Ville soutient les artistes dans leur indépendance et leur liberté » lit-on dans le document. D'accord.

Joint à la délibération, un recueil de 69 pages (« Modalités d'accompagnements ») essaie de clarifier les choses. La Ville se veut exhaustive : elle y consigne les missions de la Direction des affaires culturelles ainsi que des fiches descriptives des établissements municipaux (leurs histoires, leurs coûts de fonctionnement, leurs nombres de visiteurs…), ce qui permet de survoler l'activité culturelle municipale. D'accord encore.

Le contrat de confiance ?

Puis, dans une grosse seconde partie, la municipalité dévoile son "contrat" avec la culture, alors que la lisibilité de sa politique culturelle est en débat depuis trois ans. Elle explique que s'assurer une discussion sereine avec les acteurs « constitue le socle d'une démarche de transparence et de sécurisation » des relations. Surtout, de façon pragmatique, elle précise les conditions d'attribution des subventions avec une grille. La « qualité artistique, patrimoniale ou scientifique du projet ou l'inscription du projet sur le territoire communal » est nécessaire par exemple.

D'autres informations concrètes, comme le calendrier de demande de subventions, ou bien les lieux susceptibles d'être mis à disposition par la Ville (l'Ancien musée de peinture pour les expositions par exemple), sont données. Les partenariats pluriannuels (trois ans maximum) seront privilégiés pour huit établissements comme le Magasin, le Pacifique ou encore l'Espace 600. Un moyen de suivre leurs projets et de leur assurer un financement pérenne. D'autant que Corinne Bernard l'a annoncé : « En 2017, il n'y aura pas de baisse de subventions. »

L‘élue s'est aussi fait l'écho de vingt dispositifs en direction de la culture. Cinq d'entre eux sont nouveaux ou ont été améliorés. Pour juin 2017, on retient notamment la création de deux ateliers d'artistes à la Clé de sol, situés au 51 boulevard Gambetta. De même, la mairie annonce l'officialisation d'une quinzaine de murs d'expression libre (la liste sera dévoilée au printemps). Certains seront ouverts à tous, tandis qu'une autre partie sera gérée par les six jurys de secteur. Côté musiques actuelles, un accompagnement se mettra en place dès mars, alors que l'avenir du Ciel est toujours inconnu. Les associations Retour de scène, la Bobine ou encore le Prunier Sauvage (toutes dotées de locaux de répétitions) pourront présenter des dossiers d'artistes en résidence chez eux pour leur fournir une aide à la formation afin de les assister vers la professionnalisation.

La concertation revient ?

Enfin, un nouveau type de concertation est en route. Suite à l'arrêt des chaotiques Chantiers des cultures dont il n'est dit mot, les discussions avaient été orientées par thématique. Point de grand raout tumultueux. Les acteurs sont cloisonnés par domaine (et sans public et journalistes présents). Les musiques actuelles et les arts plastiques ont joué les cobayes en expérimentant ce processus. « On va réunir esthétique par esthétique les acteurs, voir s'il faut amender les 20 dispositifs, les transformer voire en fournir de nouveau », assure Corinne Bernard au conseil.

Des concertations à suivre avec attention pour déterminer si la municipalité va réussir à renouer un dialogue apaisé avec le monde culturel. Et pour, surtout, se rendre compte si cette feuille de route technique livrée trois ans après l'élection offrira la lisibilité nécessaire à toute politique culturelle digne de ce nom.


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