Rendez-vous au Paradis

Duo rétro-futuriste parisien aux manières mélancoliques, Paradis visite le passé de la chanson française en même temps qu'il explore le panthéon de la French Touch. Entre variété pop, boucles électro et house amniotique, Pierre Rousseau et Simon Mény semblent chercher un au-delà de la musique française. Et le trouvent le plus souvent.


A l'écoute de Paradis, il faut imaginer les deux Alain, Souchon et Chamfort, avoir la vingtaine aujourd'hui – même s'il faut se concentrer très fort. En 2011, leur reprise de La Ballade de Jim avait laissé entrevoir ce que pourrait donner un Alain Souchon bercé à l'électro, engagé dans un duo casqué (autrement que de cheveux) avec le DJ Laurent Voulzy. Robot Rockollection, en somme. Mais c'est à l'une des chansons de l'autre Alain (Chamfort), également reprise, décidément, sur un album hommage, que le nom de Paradis fait référence.

Et de fait, Paradis est plus Chamfort que Souchon, trop investi dans la maniaquerie de l'écriture et moins pop que son collègue par ailleurs plus musicien. Car si, comme bien des membres de leur génération plutôt versés dans le rock (Feu ! Chatterton, Grand Blanc, La Femme, Radio Elvis, Requin Chagrin...), Paradis a su se glisser dans la langue française comme on enfile un pyjama en sautant dedans, s'y sentant tout de suite chez lui et trouvant immédiatement son style, le duo Pierre Rousseau Simon Mény a surtout compris ce que la chanson et la langue françaises pouvaient avoir, au-delà de leur potentiel littéraire, de résolument pop. De radicalement et basiquement musical. De rapidement consommable. De subtilement sensuel. D'immédiatement dansant.

Recto Verso

Mots sonnant et trébuchant à voix blanches sur l'hypothalamus pour peu qu'ils soient bien accompagnés, gimmicks insatiables jouant sur la dualité, le pile et le face, le toi et le moi dont Recto Verso, chanson titre de leur album, pourrait être la note d'intention – « Montre-moi l'envers du décor à l'endroit, montre-moi l'envers de ce que cache tout ça ». Le recto-verso, ce serait donc un substrat de French Touch revisité en mode futuriste dépliant des boucles électro-pop et une house maison sous les pas de ce qui reste malgré tout de la variété – allez, de la chanson française – mais vue depuis un rétro braqué sur les années 1980.

Daho en pleine période Eden mais éclaté façon puzzle entre 1987 et 2017 ; Chamfort transformant son Manureva en Machine à voyager dans le temps : Paradis se déhanche avec mélancolie sur cette faille du continuum espace-temps, et les paradoxes musico-temporels qui vont avec. En regardant dans toutes les directions à la fois en une étrange vision panoptique résumée de manière énigmatique et pourtant évidente en une phrase sibylline, qui réinvestit un peu de poésie : « les yeux rivés direction mieux que tout ». Mantra de pop quantique, Mallarmé chez les DJ.  

Paradis
À la Belle électrique jeudi 9 mars à 20h30


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