Vald : l'interview vérité (ou presque)

Troisième passage grenoblois en un peu plus de deux ans pour le phénomène Vald, qui emmène le rap français vers l'absurde tout en le prenant très au sérieux – comme le prouve son premier album "Agartha" sorti en janvier. Avant sa venue à la Belle électrique, on avait donc plein de choses à lui demander : on a une nouvelle fois harcelé ses managers pour obtenir une interview. Échec, même si on y a cru jusqu'au dernier moment… Alors, têtus que nous sommes, on a lu nos confrères pour avoir les réponses à nos questions. Merci à eux.


Samedi 21 mai 2016, sur l'esplanade de Grenoble dans le cadre du festival Magic Bus. Milieu de soirée. Une foule très jeune se presse devant la scène pour admirer Vald, sensation rap du moment. 23 ans à l'époque, seulement quelques années de pratique dans le rap, et pourtant un succès fou grâce à des morceaux comme Bonjour (sur un type qui « a pas dit bonjour, du coup il s'est fait niquer sa mère ») ou Selfie et son refrain mièvre tranchant avec des couplets hypersexuels.

« Vald injecte une bonne dose d'absurdité dans le rap game » écrivait-on en novembre 2015 lors de son premier passage grenoblois à la Bifurk (à guichets fermés). Une dose à l'efficacité redoutable pour le public de l'Esplanade, qui connaissait ses principaux titres sur le bout des doigts, n'hésitant pas à joyeusement s'époumoner avec lui sur les refrains.

« Prenez-moi pour un génie ! »

« Les gens ne savent pas où j'en suis : est-ce que je suis vrai, est-ce que je me fous de leur gueule ? Là, on essaie de montrer aux gens qu'on n'est pas des rigolos. Parce que les gens peuvent croire, et d'ailleurs il y en a trop qui croient qu'on est des rigolos. On est en train de rectifier ça. » Voilà ce que déclarait Vald en janvier dernier au site OKLM alors qu'il était en pleine promotion de son premier album Agartha (notre critique est à lire ici). Comprendre qu'en 2017, le rappeur veut être plus que le petit rigolo de maintenant 24 ans aux millions de vues sur Youtube. « C'est peut-être la sortie qui va tout décider pour la suite de ma carrière : si je casse tout je serai un héros, mais si ce n'est pas le cas, ça sera plus compliqué » comme il l'expliquait le même mois au site rap l'Abcdr du Son.

Faut dire que Valentin Le Du, né en 1992 à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), suscite, depuis la sortie de son premier EP NQNT (pour Ni Queue Ni Tête) en octobre 2014, des attentes phénoménales, certains le comparant à un Eminem français – mais on nous fait le coup à chaque fois qu'un rappeur blanc un peu trash pointe le bout de son nez (Orelsan y a eu droit à ses débuts). Voire, carrément, à un génie. « À un moment donné, ça me gênait parce que je ne savais pas trop comment le prendre ; mais maintenant j'en ai rien à foutre ! C'est très bien, prenez-moi pour un génie, c'est très positif ! » (au site Rapelite).

« Le rap festif d'aujourd'hui ne dit vraiment pas grand-chose »

Dans une interview accordée il y a quelques semaines au journal suisse Le Temps, il précise sa pensée : « Il y a eu un fort engouement médiatique et populaire à la sortie des clips de Bonjour et de Selfie. Ça faisait beaucoup d'un seul coup et c'était très difficile à gérer. Les médias avaient tendance à me classer comme un phénomène. Ça me mettait énormément de pression. Je crois même que ça m'avait agacé de voir que le succès arrivait avec une chanson tout au long de laquelle je disais « nique ta mère ». Alors que la plupart de mes morceaux ont des paroles bien plus réfléchies ! »

Comme on s'en rend compte dans son nouvel album, où son envie de faire le show (plus jeune, il avait imaginé être comédien) s'estompe. « Je ne veux pas paraître pour le mec qui ne dit que des trucs extraordinaires, mais ce qui est sûr et certain, c'est que le rap festif d'aujourd'hui ne dit vraiment pas grand-chose » (à RTL en janvier). Un côté plus profond qui s'exprime dans pas mal de morceaux (au pif : le sombre Kid Cudi), même si le Vald de ses débuts et le Vald d'aujourd'hui restent quand même très proches. C'est-à-dire en décalage par rapport à une certaine tendance du rap français.

« Y'a ce côté dans le rap français où les gens qui expliquent leur tristesse, bah on estime que c'est ça le vrai rap. Mais c'est très négatif en fait. Faut avancer, en rigoler, être hystérique. On dépasse ça soit par l'hystérie, soit par l'amour [rires] » (en février au site noisey.vice.com). Beau programme.

Vald
À la Belle électrique dimanche 12 mars à 19h


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