"Second Tour" de Frère Animal : c'est ça la France

Huit ans après un premier épisode prenant appui dans la France de Sarkozy, Frère Animal (Florent Marchet et Arnaud Cathrine) revient avec "Second Tour", suite de cette chronique musicale et scénique d'une France allégorique, mais malheureusement bien réelle, en proie à ses pires démons. Avec ce que cela peut porter de cathartique à quelques mois des élections. À découvrir vendredi 31 mars à la Source.


Entre conte-chronique de l'actualité contemporaine, fable sociale, album concept et spectacle (bien) vivant, le premier essai (transformé) de Frère Animal s'était penché il y a de cela déjà huit ans, année post-électorale et sub(dé)primante, sur la violence du monde du travail, avec une usine, la Sinoc, comme théâtre de la désagrégation des vies minuscules en la ville de Comblay.

À la baguette déjà, Florent Marchet et Arnaud Cathrine, qui remettent le couvert fort à propos avec Second Tour. Comme l'indique ce titre, Frère Animal s'attaque cette fois au sujet plus que brûlant de la montée des extrêmes (droites, surtout) et met scène et en chansons les mêmes protagonistes : Thibaut, le héros, incarné par Florent Marchet, qui au début de l'histoire s'apprête à sortir de prison (il avait fait un barbecue de l'usine précitée) ; Julie, sa petite amie démissionnaire (Valérie Leulliot, ex-fiancée des indie-rockeux français du temps d'Autour de Lucie) ; Renaud, le grand frère gay et marié de Thibaut (Arnaud Cathrine) et un ami, Benjamin (Nicolas Martel) qui émarge au Bloc National (aucun lien, bien sûr) et tente d'embrigader Thibaut en éprouvant ses fragilités d'une voix de grand méchant loup.

Le bruit des bottes

L'histoire est narrée par François Morel, mi-France Inter, mi-Gibolin, qui prend soin de résumer les épisodes précédents. Et l'affaire qui n'est ni une pièce de théâtre, ni seulement un album, ni une comédie musicale, mais peut-être un peu tout ça à la fois, enchâsse parfaitement (ce qui constitue parfois un tour de force dans ce genre de projet) passages parlés (aux dialogues pas toujours très subtils, certes) et chansons, affinant le profil psychologique des personnages tout en développant une narration à l'intensité croissante dans la manière qu'elle a de dessiner via cet univers microscopique (microcosmique même) les contours de la France d'aujourd'hui.

Cette France post-Charlie, traumatisée, divisée, violente, étouffée par un climat social délétère et par la peur, qui voit arriver l'élection présidentielle comme un train fou, est comme sublimée par les compositions de Florent Marchet (Si tu veux savoir, en guise de sommet), tabassées par l'abattement et soumises à une forme d'urgence impuissante. Comme le résume d'un trait le titre d'ouverture, Vis ma vie : « J'entends le bruit des bottes, mais j'ai pas l'antidote. »  

Frère Animal 2 - Second Tour
A la Source (Fontaine) vendredi 31 mars à 20h30


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