Camille Claudel au cinéma : les batailles, les prisons

Apparaissant de façon intermittente dans "Rodin", Camille Claudel (ici incarnée par Izïa Higelin) est désormais sortie de l'obscurité où ses contemporains voulaient la reléguer, en partie grâce au 7e art.


On ne dira jamais assez le pouvoir du cinéma lorsqu'il s'agit de réhabiliter une figure oubliée ou injustement dénigrée en son temps. Morte dans l'indifférence générale à l'asile psychiatrique de Montfavet, où sa famille l'avait faite interner trente ans plus tôt, inhumée à la va-vite avant que ses restes ne se trouvent jetés à la fosse commune, Camille Claudel (1864-1943) aurait pu demeurer cette silhouette grise et honteuse hantant l'ombre de ces “grands hommes” que furent son frère Paul et son amant Rodin. Mais grâce au roman Une femme (1982) signé Anne Delbée, suivi deux ans plus tard par une biographie de la main de Reine-Marie Paris, descendante de la sculptrice, la tragédie d'une artiste se fit jour.

Isabelle et Juliette

Isabelle Adjani s'empara de cette destinée malheureuse, dont elle voulut exalter le lyrisme funeste et passionné dans un biopic. Réalisé par son compagnon de l'époque, le chef-opérateur Bruno Nuytten, le film qui en découla se voulait digne d'un mausolée à la mémoire de la défunte. Un mausolée comparable au Taj Mahal, si l'on considère les richesses mises en œuvre pour son édification : Lhomme à la photo, Yared à la musique, Depardieu en Rodin et Adjani à la production et à l'interprétation fiévreuse. Succès en salle et à la Berlinale, Camille Claudel (1988) valut à l'actrice un Ours d'argent et l'un de ses cinq Césars.

Plus réservé, intimiste et dérangeant, Bruno Dumont s'intéressera à une courte séquence de la période d'internement de l'artiste dans Camille Claudel 1915 (2013), un siècle tout juste après qu'elle a été placée dans l'asile de Montfavet. Pas question pour lui de capter ici le mystère de la création ; plutôt d'entrechoquer des altérités, de la confronter à l'aliénation. Une Juliette Binoche contenue endosse les frusques de la recluse, espérant un geste de son autocentré de frère afin de recouvrer la liberté. Hélas, le “petit Paul” (formidable Jean-Luc Vincent), insensible à la détresse de son aînée, préfère s'extasier face au soleil levant et s'ébaubir devant Dieu. Abrupt, mais intense.


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