Qu'on se le dise, "Dodes'ka-den" est un immense film de Kurosawa

Mercredi 31 mai à 9h du matin (oui, 9h du matin), le Méliès propose une séance de cinéama suivie d'une analyse filmique. Au programme ? "Dodes'ka-den" du Japonais Akira Kurosawa, grandiose même si rejeté lors de sa sortie en 1970.


Il n'y a pas d'histoire dans Dodes'kaden, mais des histoires. Enchevêtrées et contiguës, comme le sont les habitations de ce "quartier" tokyoïte où se déroule le film. Ce bidonville en vérité, où survit une population tentant de préserver du mieux qu'elle le peut sa dignité. C'est un portrait de groupe (on ne parlait pas encore de "film choral") que Kurosawa signe ici en entremêlant les saynètes et sautant d'un logis à l'autre. De l'employé de bureau rongé de tics flanqué d'une épouse tyrannique épouse au clochard et son fils, du vieux philosophe aux deux ouvriers alcooliques (et échangistes) ; de l'orpheline abusée au gamin fou se prenant pour un conducteur de tram et criant inlassablement « dodes'ka-den ! », tous ces "oubliés" ne connaissent de l'orgueilleuse ultra-modernité nippone que reflets et reliefs. 

À sa sortie en 1970, le public japonais rejeta avec violence cette œuvre immense. On peut lui accorder des circonstances atténuantes : un tel retour du refoulé exige de la distanciation, et ses réserves de l'époque, grevées par la nécessité de la résilience, devaient se trouver au plus bas. S'il ne fait plus aucun doute aujourd'hui que Kurosawa a signé ici une fresque magistrale dont les sans-grade sont les héros, rappelons qu'elle fut également un tube à essais pour lui. Expérimentant pour la première fois la couleur, le Maître la dompte plus qu'il n'en est l'esclave, composant des tableaux délicats dans des décors d'immondices, poétisant le réalisme sans le pervertir. L'humanité profonde des personnages et la beauté plastique de l'image transforment cette proposition de cinéma en un voyage trop bref.


Dodes'ka-den
Au Méliès mercredi 31 mai à 9h


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