"Pet Sounds" : Brian Wilson en plein dans le culte aux Nuits de Fourvière

Événement cet été à Lyon, aux Nuits de Fourvière : l'Américain Brian Wilson, grand maître d'œuvre des Beach Boys, vient célébrer son chef-d'œuvre "Pet Sounds", 50 ans l'an dernier. Un album mythique et concurrent sérieux au titre de meilleur album d'une pop music qu'il contribua à révolutionner, l'élevant au rang d'art majeur.


L'année même des 50 ans du Sgt. Pepper des Beatles, se pose fatalement la question de savoir quel est le meilleur album pop de tous les temps. Dans la balance, on trouve bien sûr Sgt. Pepper (sinon on n'en parlerait pas) mais aussi deux ou trois autres pépites du Fab Four : Rubber Soul, Revolver, l'album blanc – les avis divergent...

Mais comme il n'y a pas que les Beatles dans la vie, d'autres vous répondront que le meilleur candidat à opposer à l'œuvre tardive des Beatles (au risque de choquer les beatlesmaniaques) est celle d'un génie fou de 23 ans (à l'époque), qui en 1966 accoucha d'un album intitulé "Bruits d'animaux de compagnie" –soit Pet Sounds. Un disque dont on pourrait dire qu'il est lui aussi un album des Beatles. Car c'est en se comparant à la grandeur des Liverpuldiens et à leur Rubber Soul que Brian Wilson (puisque c'est de lui qu'il s'agit) a fomenté son propre chef-d'œuvre contre vents, marées et attaques de panique. Un disque des Beach Boys mais composé en solo et assumé comme tel.

À l'époque, les Beach boys sont considérés comme un boys band des plus efficaces et Wilson comme un redoutable accoucheur de tubes contant ad libitum des histoires de filles, de bagnoles et surtout de surf. L'entreprise est familiale. Elle est menée d'une main de fer par Murry Wilson, l'un de ces paternels sociopathes dont l'ambition dévorante a brisé plus d'une jeunesse (cf. Joseph Jackson), qui exploite le talent de Brian et ses frères Carl (guitare) et Dennis (batterie). Avec leur cousin Mike Love et leur voisin Al Jardine (et, un temps, son remplaçant David Marks),  ils collectionnent les tubes depuis 1962 – Surfin' USA,  I Get Around,  When I Grow Up (To Be a Man)...

« On ne sait même pas surfer »

En 1965, mal remis du choc Rubber Soul, Brian Wilson, qui a déjà arrêté les concerts, souffrant de misanthropie aigüe et d'un début de schizophrénie, ne veut plus entendre parler de surf : « On ne sait même pas surfer » dit-il – ce qui est vrai puisque seul Dennis est un surfer régulier.

Brian veut faire de la grande musique et surtout il veut contrer sur son territoire (géographique) et leur terrain (musical) les ambassadeurs de cette "British Invasion" qui déferle sur le pays – à commencer par les Beatles donc. De fait, c'est sans les autres Beach Boys, alors en tournée, mais avec un groupe de célèbres musiciens de studio surnommé « The Wrecking Crew » (dont le batteur Hal Blaine, le bassiste Carol Kaye et le guitariste Barney Kessel), que Brian enregistre Pet Sounds.

Les textes sont laissés aux soins du parolier Tony Asher qui fait des merveilles comme ce « I may not always love you » pour ouvrir la chanson d'amour ultime God Only Knows. Et avec l'aide de ses musiciens, Brian expérimente toutes les possibilités d'un studio devenu (comme chez Phil Spector, l'une de ses idoles) un véritable instrument, traduit en sons les idées les plus folles, en musique et en histoires les bruits les plus saugrenus – aboiements, cloches, sabots, grelots, train qui s'éloigne...

« La plus belle chanson d'amour jamais écrite »

Le reste de l'effectif, de retour du Japon, viendra ensuite enregistrer les voix, hallucinantes harmonies vocales qui donnent au disque un caractère quasi-religieux que ce soit sur cette chanson folk bahaméenne revisitée qu'est Sloop John B ou, encore, l'enchanteur God Only knows (« la plus belle chanson d'amour jamais écrite » dira Paul McCartney) où la voix de Carl, décédé en 1998, touche au sublime.

Si Rubber Soul avait élevé la pop au rang d'art à part entière, Pet Sounds était, en 1966, un saut quantique dans l'inconnu : le doo wop, la surf music, Spector, la musique moderne de Charles Ives se mêlent en une symphonie fantastique où l'avant-garde pop touche pourtant droit au cœur. Mais les Beach Boys, avec en tête Mike Love (qui détient aujourd'hui les droits sur le nom Beach Boys et le droit de se produire en concert sous ce nom), sont dans un premier temps sceptiques quant au potentiel commercial de Pet Sounds qu'ils trouvent trop audacieux.

S'ils acceptent de le sortir en 1966, l'album se vend mal et leur label, Capitol, publie dans la foulée un best-of pour le pousser dans l'ornière de l'oubli. Sauf que Pet Sounds n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Cette fois ce sont les Beatles qui trouveront dans ce disque le shoot d'émulation qui les poussera à l'excellence sur Sgt. Pepper. La légende Pet Sounds est alors en marche. Elle est aujourd'hui un morceau d'Histoire. À redécouvrir religieusement. 

Brian Wilson
Au Théâtre antique de Fourvière (Lyon) lundi 17 juillet à 21h


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