Jazz à Vienne rend hommage à la légende John Coltrane

Quoi de plus normal que de célébrer les 50 ans de la disparition du géant du sax ténor John Coltrane dans un festival de jazz ? Quoi de plus évident que de le faire à Jazz à Vienne ? Qui de plus qualifié pour cela que le vénérable, et lui aussi légendaire, Archie Shepp, entouré pour l'occasion d'un groupe all-star pour dire son suprême amour de celui qu'on appelait « Trane » ? Lundi 3 juillet est assurément LA soirée à ne pas louper cette année à Jazz à Vienne.


Il y a des rencontres et des figures qui vous changent une vie. En ce qui concerne le saxophoniste de jazz américain Archie Shepp, ce sera celle de John Coltrane. Shepp a 23 ans lorsqu'il voit Coltrane sur scène un soir de 1960 au Five Spot à New York. Le jeune homme est déjà musicien (piano, clarinette, sax alto), jazzman, mais Coltrane est, lui, déjà un poids lourd comme on dirait en boxe et, plus que ça, un génie. La révélation est telle qu'elle pousse Shepp à passer, comme lui, au sax ténor.

Rapidement, il fait partie avec des musiciens comme Cecil Taylor, Don Cherry et Ornette Coleman, des pionniers inspirés par quelques travaux remontant aux années 1940 déjà qui, las des conventions du be-bop ou du hard-bop, décident d'en briser les codes, d'en casser le tempo et d'en libérer les improvisations. Ce sont les débuts du free-jazz. Coltrane est lui aussi en train d'emprunter ce virage qui donnera lieu à quelques classiques du genre tels que A Love Supreme. La route des deux hommes n'a alors de cesse de se recroiser.

Ascension

C'est par l'entremise de Coltrane que Shepp signe chez Impulse ! où il publiera, outre un premier disque reprenant quatre compositions du maître (Four for Trane), ses meilleurs disques : Fire Music (1965), Mama Too Tight (1966), The Magic of Juju (1967, année de la mort de Coltrane) ou, plus tard en 1972, Attica Blues !, album révolutionnaire à tous les sens du terme (inspiré par l'émeute tragique de la prison d'Attica survenue en 1971) où son sax tenor gronde comme un Dieu oscillant entre la colère et la célébration. Coltrane et Shepp sont même amenés à enregistrer ensemble New Thing at Newport (1965) et Ascension (1966) avec Pharoah Sanders.

Si les parcours des deux jazzmen sont ainsi entremêlés par le destin, c'est notamment grâce à leur recherche commune d'un son novateur mais en prise avec ses racines, presque militant, qui doit autant à l'instinct qu'à la théorie (Archie Shepp sera également professeur d'histoire de la musique). Il n'en fallait pas plus pour que, l'année même où l'on célèbre les 50 ans de la mort de « Trane », Archie Shepp, 80 ans, réunisse un band qualifié d'all-star (Marion Rampal au chant, Shabaka Hutchings au sax, Amir ElSaffar à la trompette, Jason Moran au piano et Nasheet Waits à la batterie) pour rendre un hommage au maître qui sera préfacé par les performances de Pharoah Sanders puis du DJ Jeff Mills et du saxophoniste Emile Parisien.

Archie Shepp All Star + Jeff Mills & Emile Parisien + Pharoah Sanders 4tet
Au Théâtre antique de Vienne lundi 3 juillet


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