9 fois de la Simone

Si le style c'est l'homme, cet homme c'est Albin de la Simone. Tant cet arrangeur-musicien-auteur-compositeur, tantôt pince-sans-rire, tantôt grave, toujours un peu mélancolique, a su au fil d'une discographie de plus en plus impeccable creuser un sillon singulier mais aussi familier que pourrait l'indiquer le titre de son dernier album, " L'un de nous". La preuve par 9 avant son concert vendredi 6 octobre à la Source.


Amour Amitié

Albin de la Simone (2003)

Déjà là, la capacité d'Albin à marcher sur un fil : celui des sentiments et des sensations. Un homme, une femme : il espère, elle ne semble pas sûre. « Amour amitié, je ne sais pas si par dépit ou par pitié, je franchirai cet océan qui va de l'amour à l'amant. » Dans une ambiance presque burtonienne, la geste de la Simone est tout entière réunie dans ces mots qui sont pourtant de Pierre Vassiliu.


Elle aime

Albin de la Simone (2003)

Maître de l'absurde, Albin livre là un de ses petits bijoux d'écriture, en duo avec la canadienne Feist (qui n'est pas encore tout à fait Feist et joue les Birkin). Il est encore question d'amour et, peut-être, un peu de remise en question. Que peut vouloir dire d'être aimé par quelqu'un dont les centres d'intérêt figurent un cabinet de curiosités – « elle aime le cri des poux, et le lait faisandé, les tipis et les gnous, le chlore et la mélasse, elle chérit un hibou, elle dépèce des taupes, vénère les Papous et les kangourous myopes ». Un hymne à l'amour pour ce qu'on est.


J'ai changé

Je vais changer,  2005

Sur son deuxième album, une promesse : Je vais changer. Et en ouverture de l'album, une affirmation : « J'ai changé ». En réalité, de la Simone fait l'inventaire, jusqu'au fond des détails, des changements qui font l'homme – « j'ai pesé dix kilos, dont deux de vélo (…), j'ai chaussé du 18, du 28, du 38 (…) les cheveux gras et longs, j'ai d'ailleurs été blond ». Mais c'est pour mieux jouer sur deux tableaux et affirmer à l'amoureuse maltraitée qu'il a changé, qu'il peut changer, qu'il va changer. Ce que le chanteur lui-même fait par petites touches.


Catastrophe

Bungalow ! (2008)

Albin de la Simone est aussi le poète pince-sans-rire de ces moments où tout fout le camp. De ces enchaînements de petits riens qui font la catastrophe. Aussi simple qu'un homme en pyjama enfermé sur le palier : dîner sur le feu, fer à repasser rougeoyant, bébé de huit mois seul à l'intérieur. C'est le moment d'imaginer le pire : « ma fille les doigts dans la prise, ma fille au milieu des couteaux, ma fille et le piment oiseau, ma fille enjambe le balcon, ma fille repasse un pantalon, ma fille allume une bougie ». Catastrophe, et pourtant qu'est-ce qu'on rigole.


Adrienne

Bungalow ! (2008)

On la retrouve sur l'album Bungalow ! mais Adrienne sortit aussi en single en duo avec Vanessa Paradis, pour laquelle il œuvra sur son Divine Idylle (c'est qu'Albin est par ailleurs, un arrangeur et musicien très très très demandé). Adrienne, « une fille particulièrement partie brusquement », est l'une des chansons les plus réjouissantes et pop d'un de la Simone lui-même « en fanfare ». Tandis que l'on retrouvera Vanessa Paradis en clôture de L'un de nous (2017), sur Ado, en forme de message personnel sur répondeur.


Mes épaules

Un homme (2013)

L'album Un homme aurait failli s'appeler Une femme (qui sera un morceau de l'album suivant). Comme si son auteur n'était pas sûr de son coup et d'ailleurs sûr de rien, surtout pas de lui. Ployant sous « le poids de ce nom ridicule, de ce fantôme à particules » et les responsabilités (le couple, l'enfant, la nouvelle maison), il y a ces « épaules pas bien carrées, pas bien gaulées, pas baraquées, pas gagnées ». Touchante confession, prise dans une boucle instrumentale qui ménage le suspense, émanant du côté pile du chanteur : le plus grave. Celui qui mûrit sous nos yeux au fil des albums.


Tu vas rire

Un homme (2013)

Sur le modèle de J'ai changé, en contraste avec Mes épaules, on retrouve l'Albin "tongue-in-cheek", un homme qui avoue son don de « double vie », au sens le plus trivial du terme, petit catalogue d'omissions dévoilé en aveu anodin au lendemain de son mariage : mais « si ça comptait vraiment, tu n'en saurais rien ». Là encore, c'est nous qui rions de et avec ce « salaud » sympathique.


Le grand amour

L'un de nous (2017)

Elle ouvre d'une manière magistrale L'un de nous, sans doute son plus bel album à ce jour. Une mélodie au piano, cinématographique, embrassée de cordes. Où comment vivre l'amour, le vrai, celui qui arrose la vie d'eau fraîche, sans en parler ; parler d'amour, même, sans en parler. « On ne parlait pas d'amour, l'amour c'est quoi ? On ne parlait jamais d'amour, le grand amour ça n'existe pas ». Ici il « s'est barré au galop » aussi vite qu'il est venu. En reste le souvenir indélébile, servi par une chanson obsédante, et les sanglots des violons.


Les chiens sans langue

L'un de nous (2017)

L'un des plus beaux textes d'Albin de la Simone. Qui dit une douleur étouffée (qu'il est beau ce bourdon de violoncelle, qu'il est doux le spleen de ce piano, encore) mais destructrice. Celle de la perte d'un enfant. Elle boit, il dort dans la baignoire, ils attendent ce qui ne reviendra pas. « La vie est longue, longue et vaine et lente. La vie des ombres, des chiens sans langue » dit-il. Et ça personne n'en parle mieux que de la Simone, face sombre d'Albin.

Albin de la Simone + Sarah Toussaint-Léveillé
À la Source (Fontaine) vendredi 6 octobre à 20h30


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