Géométrie européenne à la Biennale internationale d'art non objectif

Leurs lignes ne dessinent pas les contours de l'Europe, elles se diluent dans une abstraction géométrique qui défend une expression minimale. Les traits des artistes invités à la 4e Biennale internationale d'art non objectif sont cependant européens. Pour cette nouvelle édition, le commissaire et artiste Roland Orépük donne un angle politique à la manifestation et invite "Nous autres, we other" à nous retrouver aux Moulins de Villancourt autour de la création pure.


Bien avant que ne se dessine l'Union européenne que l'on connaît aujourd'hui, des artistes de différents pays se sont regroupés par goût commun ou en réaction à une mouvance artistique. C'est ainsi qu'au début du XXe siècle émerge dans cet espace européen un art qui va contre la figuration, un art qui conceptualise la création elle-même.

Une abstraction qui trouve sa genèse dans une esthétique dépouillée qui se radicalise avec des artistes tels que Piet Mondrian, pour qui les couleurs et les angles droits riment avec équilibre et rythme, et Theo Van Doesburg qui, dès 1917 avec la revue De Stijl, ancre ces principes plastiques en y introduisant l'oblique. À la fin des années 1930, les tendances abstraites prolifèrent alors en se fédérant : Cercle et Carré (1929), Art Concret (1930) et Abstraction-Création (1931-1936).

Irréductibles abstraits

Une émulation artistique qui compte toujours des adeptes à l'orée du XXIe siècle comme en témoigne la Biennale internationale d'art non objectif qui se tient actuellement à Pont-de-Claix. Une dénomination empruntée à l'artiste Auguste Herbin qui théorise en 1949 sa peinture, faite de couleurs pures alliées à des figures élémentaires, dans L'art non figuratif non objectif.

C'est ainsi que Roland Orépük, plasticien grenoblois et commissaire de la biennale, ne cesse de défendre cette abstraction, davantage centré sur la préoccupation de la création pure que sur les codes plastiques stricto sensu établis jadis, à travers sa peinture et la manifestation. Dans l'enceinte des Moulins de Villancourt, la 4e édition convoque alors l'Europe. Une volonté politique pour réhabiliter cette dernière qui souffre aujourd'hui d'une mauvaise presse pour se réunir Nous autres, we other.

Construction non objective

Parmi la vingtaine d'artistes invités, seul Billy Gruner, présent lors de la première Biennale, n'est pas européen : le reste de l'exposition dévoile des talents abstraits venus de tout le continent pour une cartographie esthétique unifiée avec tout de même des aspirations stylistiques qui se dégagent au fil de la déambulation.

Dans la première partie, les œuvres offrent une vision rectiligne à l'instar des modules en bois de Eva Francová et de la peinture murale de Dima Grep. Une ligne qui laisse place à une recherche de matière où le processus de création semble encore en cours à l'image des petits formats pigmentés de Steffen Schiernan, tandis que la géométrie envahit l'espace plus loin. Mais cette géométrie est déplacée, cassée notamment dans les reliefs de Vesna Kovacic. L'exposition se termine par un jeu d'opposition de couleurs et d'équilibre à travers les formes mathématiques de Torsten Ridell, pour un panorama non objectif d'un art bien vivant.

Biennale d'art non objectif #4
Aux Moulins de Villancourt jusqu'au samedi 28 octobre


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