"Blade Runner 2049" : l'avenir, c'était moins pire avant

Denis Villeneuve livre avec "Blade Runner 2049" une postérité plus pessimiste encore que le chef-d'œuvre de l'écrivain de science-fiction Philip K. Dick et du cinéaste Ridley Scott. Tombeau de l'humanité, son opéra de bruine crasseuse et de poussière survit à sa longueur (2h43) ainsi qu'à l'expressivité réduite de Ryan "Ford Escort" Gosling.


2049, sur une Terre à la biocénose ravagée. Blade Runner (du nom d'unités policières spéciales), K. (Ryan Gosling) est un réplicant d'un modèle évolué chargé d'éliminer ses congénères réfractaires à l'autorité humaine. K. découvre lors d'une mission qu'une réplicante, en théorie stérile, a jadis accouché. L'enfant-miracle est très convoité…

C'est peu dire que monde a les yeux braqués sur Denis Villeneuve, "celui qui s'est risqué" à prolonger le cauchemar de Philip K. Dick modifié par Ridley Scott en 1982. Demi-suite en forme de résonance (y compris musicale, même si Vangelis n'a pas été reconduit à la bande originale, supplanté par l'incontournable Hans Zimmer), ce nouvel opus permet au cinéaste de travailler en profondeur ses obsessions : l'identité brutalement perturbée (Incendies, Maelström, Un 32 août sur terre…) et la contamination de la réalité par les songes ou les souvenirs (Enemy, Premier Contact). Bref, de remettre en cause ce qui s'apparente de près ou de loin à une certitude d'airain. La singularité de Blade Runner en était une. Plus maintenant.

Du futur, faisons table rase

Même dystopique, le futur est plastique : les inégalités n'ayant cessé de s'accentuer depuis 1982, 2049 apparaît encore plus catastrophiste. Si Blade Runner montrait une espèce créée par l'Homme à des fins utilitaristes (chez qui émergeait toutefois une conscience propre la menant à la révolte), 2049 superlative le tout, en allant dans le sens d'une uberisation pathétique de la société. Les réplicants prennent ici le job des humains, ont des compagnons synthétiques ; les orphelins ici sont exploités dans la tradition de Mr. Bumble. La publicité omniprésente, les décharges publiques titanesques et la pluie grise dégueulant du ciel ne changent pas ; s'ajoutent pour le contrepoint esthétique des images mordorées d'un Las Vegas désertifié, forteresse de solitude de Rick Deckard (Harrison Ford). L'avenir n'est plus ce qu'il était, et ça ne va pas en s'améliorant…

Blade Runner 2049
de Denis Villeneuve (E.-U., 2h43) avec Ryan Gosling, Harrison Ford, Jared Leto…


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