Pelouse : gazon maudit par Xavier Machault

Manière de rock acoustique empruntant au meilleur d'une chanson française indé aux idées noires, Pelouse, trio mené par Xavier Machault, publie jeudi 26 octobre (jour de concert à la Bobine) un EP aux contours contondants et à la surface pelée idéale plus enclin à laisser pousser les idées noires que la verdure. Tant mieux.


Le nouveau projet musical de Xavier Machault, comédien, musicien et chanteur grenoblois, a beau être baptisé Pelouse, ne pas s'attendre ici à l'un de ces gazons anglais à la verdeur ardente tondu à la pince à épiler. Ni même au pré carré vert d'un petit pavillon de banlieue où s'ébattent les enfants et rougeoient les barbecues. Il faut imaginer ici un gazon pelé, un champ de patate, quelque chose comme un terrain vague de la chanson dont le propos ne le serait pas, vague. Un "no man's land" incarné où la mauvaise herbe, en repoussant, ferait renaître l'espoir qui suit la "tabula rasa".

La formule de ce Roundup (un fameux herbicide) inversé est étrange. Machault au chant de ruine (rimant avec chant de mine) pour le moins sépulcral et deux exilés du Tricollectif (collectif de musiciens jazz et musiques improvisées) : Valentin Ceccaldi au violoncelle (c'est aussi lui qui compose) et Quentin Biardeau au saxophone et aux claviers, pour un parti pris quasi exclusivement acoustique. Mais qui résonne comme dix générateurs électriques, produisant sa propre tension en frictionnant rock et chanson contemporaine, en nous frottant les oreilles avec les problèmes du monde, sans se départir d'une certaine forme d'humour couleur d'encre. Et, surtout, qui fait écho à bien des voix incommodes entendues par le passé.

Prêche post-industriel

Si l'ouverture de l'EP 6 titres à paraître le jeudi 26 octobre,  La nuit réclame son dû, d'une splendide sobriété, tient quelque chose de Jean-Louis Murat chantant Jean-Roger Caussimon et Léo Ferré, si Party Girl émet un timbre jumeau de la voix de pierre tombale de Rodolphe Burger, nombreuses sont les réminiscences de ce que l'on entendait il y a mille ans dans ce bas-côté de l'autoroute de la chanson française, bas-côté fleuri de mots en souffrance, qu'était le label Lithium.

En écoutant Pelouse, on pense à un genre de Dominique A vaudou, tapi sous les bombes, à la fois frère de textes et d'ambiance : Tout était orchestré et L'annonce (rehaussé d'une de ces boîtes à rythmes qui faisaient le charme crû de La Fossette de Monsieur A). Ou à ce genre de prêche post-industriel tel que Mendelson nous en slame parfois à la gueule (le terrifiant Les rats).

De prestigieux cousinages qui ne doivent pas faire oublier que, sur ces terres déjà foulées et parfois vermoulues, Pelouse entretient une véritable personnalité musicale et textuelle. Celle d'un groupe qui pousse là où, en temps normal, personne n'oserait passer.

Pelouse + Nuage Fou
À la Bobine jeudi 26 octobre à 20h30


<< article précédent
Le génie gravé de Rembrandt s'expose au Couvent Sainte-Cécile de Grenoble