Les Filles de Illighadad : haut les filles !

Connue pour être l'une des rares joueuses de guitare du Niger, Fatou Seidi Ghali est sans doute la meilleure. C'est ce que laisse entendre en tout cas son groupe, Les Filles de Illighadad, au sein duquel, armée de son instrument, elle pratique un blues mêlant blues touareg et tambour traditionnel, jusqu'à atteindre un forme ravissante de psychédélisme magiquement transfrontière. À découvrir jeudi 16 novembre sur la scène de la Bobine.


Elles sont de Illighadad, un village niché en plein cœur du désert du centre du Niger non répertorié sur Google Maps, et ce sont des jeunes femmes. Alors trivialement, elles se sont baptisées Les Filles de Illighadad, et cela suffit à les distinguer. Cela et le fait que la meneuse du groupe, Fatou Seidi Ghali, est l'une des rares guitaristes femmes du Niger. Jusque-là, si la tradition nigérienne, et plus particulièrement touareg, n'exclut pas les femmes de la pratique de la musique, la guitare et le blues, mis en lumière par le succès international de Tinariwen et Mdou Moctar entre autres, se conjuguaient exclusivement au masculin.

Sans attendre qu'on lui donne la permission, comme toutes les femmes qui font avancer les sociétés, Fatou Seidi Ghali a donc choisi de s'emparer des choses. À commencer par une guitare chipée à son frère. Au départ, il s'agissait simplement de passer le temps, avec ses cousines Alamnou Akrouni et Mariama Salah Assouan qui l'accompagnent au chant. De faire chanter sa famille aussi.

African primitive guitar

Puis il s'est agi, tout en perpétuant la tradition, de la faire évoluer. En mêlant la guitare folk-blues acoustique au tambour tendé, fait d'une peau de chèvre tendue sur un mortier rempli d'eau et joué par les femmes, en une musique de transe, lors des mariages, des baptêmes ou des parades de chameaux fièrement exécutées par les hommes. En composant ses propres morceaux aussi, seconde étape vers l'émancipation artistique – quand bien même ces morceaux seraient nourris de tradition et des histoires de leurs ancêtres. En enregistrant un premier disque enfin, là encore trivialement éponyme, publié en 2016, par le label Sahel Sounds, puis l'album Eghass Malan, sorti le 28 octobre dernier.

Où éclate tout le talent d'une jeune femme qui tend des ponts à l'intérieur de sa propre tradition et, peut-être sans le savoir, bien au-delà, tant le résultat n'est parfois pas si éloigné de l'"american primitive guitar" de John Fahey et Robbie Basho, lui-même inspiré de la musique indienne : un blues lancinant, poétique et minimaliste, psychédélique et cotonneux. De l'"african primitive guitar" qui résonne profond dans la poitrine. Comme un cœur qui bat pour Les Filles de Illighadad, ce nulle part venu à nous.

Les Filles de Illighadad + Sahra Halgan
À la Bobine jeudi 16 novembre à 20h30


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