Rone : « Avec "Mirapolis", j'avais envie d'aller vers quelque chose de plus léger, de plus solaire »

En même pas 10 ans, le producteur Rone, de son vrai nom Erwan Castex, s'est imposé comme un acteur majeur de la scène électronique française. Un peu plus de deux ans après "Creatures", il viendra présenter, à la Belle électrique et à guichets fermés, "Mirapolis",  magnifique nouvel album qui parcourt ses souvenirs d'enfance.


Comment définiriez-vous le style Rone ?

Rone : Je crois c'est une musique électronique qui s'ouvre à d'autres univers. Je me considère comme un musicien électronique parce que mes instruments sont des synthétiseurs, des ordinateurs, des machines, mais plus ça va et plus mes sons sont organiques, plus j'ai l'impression de faire de la musique tout court. D'ailleurs, je collabore de plus en plus avec des musiciens, des batteurs, des violoncellistes, et ajoute des voix dans mes morceaux. J'adore toujours jouer en club mais on m'invite aussi à la Philharmonie de Paris : j'aime les deux et serais triste de devoir me séparer de l'un ou l'autre.

Vous avez sorti début novembre Mirapolis, votre quatrième album. Pourquoi lui avoir donné le nom d'un ancien parc d'attractions ?

C'est un souvenir d'enfance qui a rejailli lors d'une discussion avec le réalisateur Michel Gondry. En voyant la pochette futuriste qu'il me proposait, j'ai pensé au film Metropolis de Fritz Lang et à Mirapolis, un parc d'attractions qui me fascinait quand j'étais petit. Avec mes parents, je passais jamais très loin sur l'autoroute et je voyais toujours un énorme Gargantua dépasser !

Comment s'est déroulée la création de l'album ?

Elle s'est déroulée en deux temps. Une moitié d'album solitaire et l'autre très collective. Je suis d'abord parti m'isoler dans des chambres d'hôtel dans des bleds où il n y avait personne. J'avais besoin de me couper de mes amis, de ma famille, de me retrouver un peu seul. À Paris, tout va trop vite et j'ai du mal à me concentrer. J'ai réalisé que c'était des conditions idéales pour créer. Toute l'expérience accumulée ces derniers mois, ces dernières années, a rejailli beaucoup plus facilement que lorsque je suis dans le rythme d'une vie effrénée.

Je suis ensuite rentré avec ce que j'avais enregistré sur mon ordi. J'avais posé des idées de maquette plus ou moins élaborées. Puis j'ai tout finalisé dans mon studio à Paris. C'est aussi à ce moment-là que j'ai commencé à faire des collaborations. C'était l'opposé de la première partie, car j'étais dans l'échange permanent.

Saul Williams, Bryce Dessner de The National, Baxter Dury… Votre album est en effet riche en collaborations. Comment avez-vous été amené à travailler avec ces artistes ?

Il y a une histoire avec chacun d'eux. Baxter Dury, c'est une personne que j'admire énormément. Je l'ai contacté car je cherchais une voix grave, style dandy british un peu désabusé. Pour Bryce Dessner, c'est un ami que je retrouve régulièrement en studio et sur scène. J'avais déjà collaboré sur leur disque avec The National et l'avais déjà invité sur mon précédent album Creatures.

Quant à Saul Williams, je l'ai rencontré par le biais d'un ami. On avait fait un bœuf ensemble dans un bar minable ! On s'est revus dans mon studio alors que je composais. C'était le lendemain de l'élection de Trump, il était très remonté. Très spontanément, il s'est mis à improviser sur l'un des morceaux et le rendu était super.

Travailler de manière plus collective, qu'est-ce que cela vous apporte ?

C'est toujours plus agréable de faire les choses à plusieurs. Je passe beaucoup de temps en studio tout seul. J'adore ca ; l'introspection, j'ai besoin de ca. Mais ouvrir un peu la porte et les fenêtres pour faire rentrer quelque chose qui est étranger à ma musique, pour l'emmener plus loin, c'est très enrichissant.

Comment avez-vous imaginé Mirapolis par rapport à Creatures, votre album précédent ?

Avec le recul, mon précédent album m'a semblé très dark, un petit peu lourd à digérer. Avec Mirapolis, j'avais envie d'aller vers quelque chose de plus léger, de plus solaire, qui tire les gens vers le haut et moi aussi par la même occasion. Même si, dans le résultat, il y a toujours un petit côté mélancolique, mon idée à la base était de faire quelque chose de beaucoup plus festif !

Pourquoi avoir fait le choix de vous éloigner de l'électro, avec des morceaux pop comme Switches ?

Effectivement, la moitié de mon album contient des collaborations et va sur des territoires éloignés de l'électro. En créant Switches,  j'ai été au bout d'un fantasme, celui de faire un morceau sans utiliser de machine. J'ai commencé avec une petite mélodie au piano sur laquelle j'ai invité le chanteur Baxter Dury à poser sa voix. Autour de ça, j'ai réalisé plein d'arrangements de cuivres, de cordes, pour faire un morceau beaucoup plus pop.

L'autre partie de mon album reste très électro. Dans des morceaux comme Origami et Mirapolis, j'ai même l'impression de retourner à mes débuts, quand j'avais ni studio ni instrument.

Dans votre titre Lou, on peut entendre la voix de votre fille Alice. Le fait d'être père a-t-il influencé votre manière de composer ?

Mes enfants sont évidemment très inspirants et ont une influence énorme sur ma manière de composer. Avant, je travaillais toute la nuit, maintenant très tôt le matin et cela se ressent sur ma musique. Pour la petite histoire, c'était une période où Alice imitait le loup à longueur de journée. J'ai craqué et je l'ai enregistrée. C'est fou, tout le morceau s'est construit autour de cette petite voix.

Vous serez en concert à la Belle électrique. Comment construisez-vous vos lives ?

L'exercice est de réussir à réinventer mes titres sur scène. J'essaie de voir comment je peux "électroniser" les morceaux plus organiques, qui sont à l'origine faits d'instruments. C'est important pour moi que mes morceaux ne soient pas figés. Jouer toujours les mêmes choses, ça peut rendre fou ! Je sais qu'entre la première et la dernière date de la tournée, mes sons vont évoluer et prendre une forme complètement différente.

Rone
À la Belle électrique mercredi 22 novembre à 20h


<< article précédent
"Un travail comme un autre" : un premier roman à contre-courant signé Virginia Reeves