Petit Fantôme et Chapelier Fou : 50 muances de pop

Posté, a priori, chacun à une extrémité du spectre des musiques actuelles, il se pourrait bien que les deux locataires d'un soir de la Belle électrique – l'electronicien classique Chapelier Fou et son ouvreur rock DIY Petit Fantôme – aient beaucoup plus à voir l'un avec l'autre que supposé.


À première vue, il n'y a pas grand-chose de commun entre les deux artistes français qui se partageront la scène de la Belle électrique ce soir du 1er décembre. Pas grand-chose à part un nom qui évoque l'univers du conte pour enfants : Chapelier Fou pour l'un, Petit Fantôme pour l'autre. Pour le reste, l'un est lorrain et verse dans un savant alliage d'électronica premium et de musique classique ; l'autre est basque et se révèle enfant du rock "do it yourself", de la pop sucrée, des guitares saturées et des synthés vintages. De fait, rien ne pourrait davantage éloigner deux personnages dont la transversale géographique n'a d'égale que la diagonale musicale qui les sépare plus qu'elle ne les relie.

Pourtant, si l'on se penche plus avant sur le cas de Louis Warynski et Pierre Loustaunau, on s'aperçoit qu'au-delà des esthétiques propres à chacun et de leurs sobriquets, il y a comme un cousinage : une histoire de démarche, une manière d'être à la musique dans sa conception, un amour commun pour le travail de laborantin et le syncrétisme musical. Quand l'un, Chapelier fou, accouche dans son home-studio d'un univers quantique, raccordant machines, cordes et samples d'instruments anciens, l'autre bricole chez lui, raccommode, agglomère ses influences en mode quasi lo-fi (c'était du moins le cas au début) avec un sens du détail paradoxal pour ce genre d'état d'esprit artistique. Leur moteur commun : l'expérimentation.

Muance

"Muance", mot-valise enfermant les idées de "mutation" et de "nuance" qui donne son titre au disque de Chapelier Fou, est un terme qui irait également comme un gant à Petit Fantôme tant ce dernier, depuis ses débuts sous ce nom (il a précédemment fait partie du groupe Frànçois & The Atlas Mountains et multiplie les projets), prend le temps d'affiner son style par petites touches invisibles. Au point qu'il n'a livré son premier album (Un mouvement pour le vent), ou du moins ce qu'il considère comme tel, que cette année. Jusqu'ici, il ne publiait, ou plutôt ne mettait à disposition gratuitement, que des mixtapes (comme Stave), terme bien commode pour un album dont l'auteur ne veut pas dire le nom, parce qu'il en trouve les chansons trop tristes, ou l'ensemble trop disparate.

Le fait est que, malgré ses faux airs bancals, le fameux album est des plus aboutis avec ses chevauchées à la Grandaddy et son lyrisme-jouet (Quelque chose a eu lieu, Tu ressembles à l'orage), ses rythmiques intenables (Easy come, easy go) et ses mélodies trompe-la-mort (Libérations terribles),  son romantisme brumeux porté par son titre. Mais là aussi, si ce Un mouvement pour le vent colle parfaitement à l'univers du surfeur pop qu'est Petit Fantôme, il suffirait de le regarder à travers autre prisme pour constater qu'il collerait également parfaitement avec l'univers, les allers-retours incessants et les envolées décoiffantes du dernier album de Chapelier Fou. En une sorte de Muance pour le vent.

Chapelier Fou + Petit Fantôme
À la Belle électrique vendredi 1er décembre à 20h


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