"La Villa" : une calanque en hiver par Robert Guédiguian

Page arrachée à son journal intime collectif, le nouveau film de Robert Guédiguian capte les ultimes soubresauts de jeunesse de ses alter ego, chronique le monde tel qu'il est et croit encore à la poésie et à la fraternité, le tout du haut d'un balcon sur la Méditerranée. De l'utopie vraie.


Depuis un drame intime, Angèle n'était jamais revenue voir son père ni ses frères. Après l'AVC du patriarche, elle redescend pourtant un jour d'hiver dans la calanque familiale. Histoire de régler le présent, solder le passé et peut-être se reconstruire un futur.

« J'ai l'impression de faire une espèce de feuilleton depuis trente ans. Sans personnage récurrent, mais avec des acteurs récurrents. Et je joue avec cette ambiguïté. » La confidence de Robert Guédiguian prend d'autant plus de sens ici où le cinéaste convoque un extrait de son film Ki Lo Sa (1985) pour illustrer un flash-back – procédé auquel il avait déjà eu recours dans La Ville est tranquille (2001), agrémenté d'un fragment de Dernier été (1981). « Je serais tenté de le faire souvent, mais ce serait une facilité. Là, par rapport au sujet, ça se prêtait bien » confirme le cinéaste.

Bercée par la musique de Bob Dylan, cette réactivation d'une archive ensoleillée du lieu et des protagonistes confère à La Villa une singulière épaisseur temporelle emplie de mélancolie. Passant l'essentiel du film à ressasser cet autre passé à l'origine de leur brouille, les personnages semblent avoir oublié ce temps bien réel et vécu de l'insouciance.

Qu'on me donne l'amphi 

Gradinée, plantée de cabanons et s'ouvrant vers la mer comme une enceinte de spectacle sur une scène, la Calanque de Méjean où se déroule La Villa a tout d'un immense théâtre à ciel ouvert. S'y jouent des dramuscules dans la toile de fond du récit principal, participant de la coloration du décor global et de son ancrage dans le temps présent. Outre le surgissement d'enfants migrants traqués par des militaires, comment ne pas évoquer la situation de ce couple âgé préférant à l'expulsion (et à l'humiliation d'être aidé financièrement par son fils) le choix d'une mort conjointe ?

Tout n'est heureusement pas désespéré ni triste dans ces agrégats de vies : l'histoire d'amour qui se noue entre Angèle et un jeune pêcheur prouve que même si cela semble improbable en plein hiver, on trouvera toujours un peu de soleil dans l'eau froide.

La Villa
de Robert Guédiguian (Fr., 1h 47) avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan…


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