Moesha 13 : « Internet c'est le sang, la connexion, la démultiplication des possibles »

Auteure de DJ-sets furieusement avant-gardistes où s'entremêlent les cultures apparues sur internet et celles nées dans la rue, la Marseillaise d'adoption Moesha 13 sera vendredi 8 décembre aux platines du Mark XIII à l'invitation du duo Narco Polo. Rencontre en amont.


Née dans le quartier de Stalingrad, dans le XIXe arrondissement de Paris, Moesha 13 grandit d'emblée aux confluences d'une multitude d'influences musicales. Celles de ses parents (« zouk, soukouss, musique malienne »), de ses grandes sœurs (« rap, R'n'B, MTV, coupé-décalé, musiques de dessins animés ») et, rapidement, de son environnement immédiat.

« Avant l'arrivée d'internet, j'écoutais le Cut Killer Show à la radio [Skyrock – NDLR], je rappais sur les sons trance de l'émission Skyrave, je mixais sur K7 en ridant entre classique et raï sur différentes stations… J'étais également "résidente clubbeuse" au Pulp et au Social Club, je participais à des freestyles, des battles de rap et de tecktonik, j'allais à des raves sauvages... »

Le début de phrase « avant l'arrivée d'internet » est ici de première importance. Très vite, en effet, Moesha plonge en immersion totale. « Internet c'est le sang, la connexion, la démultiplication des possibles, la dématérialisation de l'identité… Je suis devenu accro, j'ai eu une période 1000% internet. J'étais à l'intérieur de la matrice. »

« Surfer dans la vraie vie »

Des paroles sibyllines, qui n'en prennent pas moins tout leur sens à l'écoute de ses DJ-sets : situés à des années-lumière des conventions en vigueur, ils voient s'entrecroiser à la vitesse de l'éclair pop mainstream, rap français, R'n'B, club music futuriste, gabber, néo-métal, musiques afro-caribéennes, percussions frénétiques, extraits vocaux new age, ambient expérimental… Laissant l'auditeur, dénué de tout repère, perturbé et séduit à la fois.

Ce flux musical "post-internet", Moesha 13 n'est bien sûr pas la seule à l'explorer. Au cœur d'une nouvelle scène virtuelle bien identifiée, mais encore mal définie, elle n'en conjugue pas moins les influences de cette dernière à celles, plus immédiates, de son environnement marseillais. « Je vois les petit.e.s twerker, rapper sur de la baile funk dans les quartiers… Les bruits de moteur quasi éternels, le goût pour la fête même dans les périodes difficiles, tout ça a joué pour moi un rôle déterminant. » Ce dont témoigne d'ailleurs son premier morceau chanté, En I, hommage à Marseille, à Jul et aux scooters à la verticale, né d'une collaboration avec le rappeur de la Villeneuve Jeci Jess et le producteur lyonnais Douster. Le premier d'une longue série ?

Processing Tool #8 avec Moesha 13 et Narco Polo
Au Mark XIII vendredi 8 décembre


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