Faï Baba : le rock suisse a de l'avenir

Transformé depuis son passage en duo, Faï Baba, projet porté par le talentueux Fabian Sigmund, s'affirme comme une des têtes de gondole d'un rock suisse en pleine bourre. Et le tenant d'un psychédélisme protéiforme difficile à suivre mais en tout point délicieux. À découvrir mercredi 13 décembre sur la scène de la Bobine.


C'est un fait : Faï Baba, projet solo de Fabian Sigmund devenu duo avec l'adjonction de son ami Domi Chansorn – voire groupe sur scène – est révélateur de deux réalités du rock de ces dernières années : un retour plein et entier aux valeurs du psychédélisme d'abord ; une percée non négligeable jusqu'à nos oreilles du rock helvète ensuite (car oui, Faï Baba est suisse). Et ce dans des proportions semblables à celles du rock belge il y a une quinzaine d'années, quand le rock d'outre-quiévrain commençait de venir nous donner de belles leçons (Venus, Girls in Hawaïï, The Tellers, Sharko, Balthazar et on en passe, tous héritiers entre autres de dEUS).

Depuis quelques années, la Suisse fait de même autour de la galaxie Voodoo Rhythm (Reverend Beat-Man, The Monsters), de ses satellites (Robin Girod et ses Mama Rosin et Frères Souchet) ou d'ailleurs (Camilla Sparksss, Peter Kernel). Un label valentinois, Casbah Records, s'est même fait une spécialité d'offrir l'asile à ces Helvètes underground comme avec Adieu Gary Cooper, Duck Duck Grey Duck (autre projet de Robin Girod) ou Faï Baba.

Révélateur

Pour ce qui est du psychédélisme maintenant, Faï Baba, dont le projet a pris beaucoup d'épaisseur avec le disque Sad & Horny (2016), s'affirme de plus en plus comme un caméléon. Capable, au gré des mélanges, de révéler, au sens chimique du terme, sur la base d'un folk lysergique aux propriétés toxiques, un rock aux réverbérations tueuses (le déflagrant Can't Get over you) ; un blues cosmique (Straight Man) ; une country hallucinatoire (Nobody but you) ou une glam-pop aux accents oniriques (Fainted over, Find me a woman, très T. Rex).

De fil d'Ariane en aiguille dans une botte de foin, on passe ainsi des Appalaches effrayantes d'un Sparklehorse sous codéine (pléonasme) à l'Eldorado siphonné de la Californie psychédélique du Summer of love, en passant par l'Oklahoma lunaire des Flaming Lips (Why do I feel so alone, Geographical Tongue) et les paysages non cartographiés d'un Radiohead (Don't Belong here, Lucky, aux titres troublants de radioheaderie). Quant au plus récent single Can't stop loving you, il n'est pas sans évoquer l'idée d'un possible câlin musical entre George Harrison et John Lennon chez le Maharishi Mahesh Yogi.

Il faut bien l'avouer, une vache n'y retrouverait pas ses veaux, et on aurait du mal à se repérer ici sans carte, mais Fabian Sigmund qui, s'il n'avait embrassé la carrière musicale, eut été fermier en montagne (ce qui est une autre manière d'être perché en altitude), parvient avec habileté à rassembler ce troupeau sous un seul et même label. Particulièrement en live, où tous ces ingrédients semblent s'emboîter comme par magie.

Faï Baba + Grace Lee
À la Bobine mercredi 13 décembre à 20h30


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