Marc Minkowski : « Le principal est que les Musiciens du Louvre sont toujours en vie ! »

Alors que Marc Minkowski va diriger ses Musiciens du Louvre à la MC2 vendredi 15 décembre dans un programme baptisé "Oratorio de Noël" construit autour de cantates de Bach, on en a profité pour lui poser quelques questions sur son orchestre, ses rapports avec la Ville de Grenoble (qui a sucré sa subvention fin 2014) ou encore ses autres activités – comme celle de directeur de l'Opéra de Bordeaux.


Un peu d'histoire pour commencer. Les Musiciens du Louvre est un orchestre français mythique, fondé en 1982 à Paris, et qui a déménagé à Grenoble en 1996, en fusionnant avec l'ensemble instrumental de la ville. Un orchestre qui est la « grande fierté » de Marc Minkowski. « C'est l'un des, si ce n'est le meilleur orchestre sur instruments anciens du XXIe siècle – et je ne dis pas ça parce que je l'ai fondé ! – de part sa variété de répertoire et de style, avec aussi bien dans l'opéra, dans le symphonique, dans le baroque, dans le romantisme ; s'adaptant à toute sorte de chef et pouvant être dirigé aussi bien par le premier violon, le claveciniste, par le chef fondateur, par d'autres chefs. C'est une machine extrêmement souple. »

« En 35 ans, l'ensemble s'est métamorphosé plusieurs fois depuis sa naissance, mais il est toujours là. Par contre on est un ensemble désormais rhônalpin – j'anticipe votre prochaine question ! –, volant de ses propres ailes. » Car il fut un temps où la chargée de communication de l'orchestre insistait beaucoup auprès des partenaires et des journalistes afin qu'ils n'oublient surtout pas de marquer "Musiciens du Louvre Grenoble", histoire que tout le monde comprenne bien où ils sont situés. Mais ça c'était avant fin 2014 et la décision du nouveau maire Éric Piolle de supprimer la subvention annuelle de 438 000 € accordée à l'ensemble musical. Une décision politique qui a fait grand bruit à l'époque (une pétition avait été lancée et avait récolté 8 000 signatures selon les Musiciens du Louvre), mais la Ville de Grenoble n'avait pas bougé, et le mot Grenoble a alors disparu du nom même de l'orchestre et de tous ses documents de communication.

« On n'est plus l'orchestre de la Ville, mais on reste malgré tout l'orchestre des Grenoblois. D'ailleurs, quand la MC2 propose l'un de nos concerts, c'est rempli direct » assure la secrétaire générale Stéphène Jourdain, qui nous précise que la Ville de Grenoble ouvre tout de même toujours les portes de la salle Olivier Messiaen à l'orchestre.

Par monts et par vaux

Et voilà que Marc Minkowski, qui ne voulait pas évoquer ce sujet une nouvelle fois (« le passé c'est le passé ; le principal est que nous sommes toujours en vie, toujours là, je suis toujours avec l'orchestre et Grenoble est toujours Grenoble ! » nous avait-il dit en début d'interview), embraie finalement pendant l'entretien. « Il y a toujours eu un problème de moyens à Grenoble, même quand la Ville était un peu plus "saine", pour vraiment décider d'avoir un vrai orchestre sur place, avec au moins une cinquantaine de musiciens salariés. Mais après tout, c'est peut-être mieux comme ça parce que ces formations intermittentes, notamment sur instruments anciens, sont sans doute le modèle de l'économie musicale de demain. »

Depuis ces remous, l'activité grenobloise s'est quelque peu réduite pour les Musiciens du Louvre (qui tournent beaucoup en France comme à l'étranger). « Ce que l'on fait aujourd'hui, c'est le minimum pour que l'on reste en contact avec le public. » Sachant que Marc Minkowski, qui du fait de sa renommée est sans cesse par monts et par vaux, avec ou sans les Musiciens du Louvre, a dû adapter son emploi du temps pour prendre récemment la direction de l'Opéra de Bordeaux. « On a raconté que j'étais parti à Bordeaux pour claquer la porte. Ça n'a rien à voir, ce projet était dans ma tête depuis longtemps ! J'étais toujours été un homme d'opéra, de théâtre ; j'ai toujours voulu diriger un opéra. Et ici, il y a toujours eu un constat d'impossibilité à m'offrir ce que je voulais faire au plan de l'activité lyrique, même avec un grand festival. Toute la difficulté maintenant pour moi est d'arriver à garder ma relation avec l'orchestre au milieu du flot de responsabilités que j'ai là-bas. »

Depuis le 31 août 2016 et sa prise de poste à Bordeaux, Marc Minkowski n'est ainsi plus salarié par les Musiciens du Louvre, mais reste directeur artistique et chef invité de temps en temps (comme ce vendredi 15 décembre à la MC2). Et l'orchestre est donc « toujours là », même s'il a un peu changé sa manière de fonctionner (ils s'autoproduisent sur certains concerts depuis cette année), pour un budget 2017 de 2.8 millions euros, avec 25.4% de subventions des diverses tutelles et 74.6% de recettes propres.


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