Grève à la MC2 : « Ce que l'on fait aujourd'hui, nous aurions dû le faire depuis longtemps »

Mercredi 13 décembre, 34 salariés de la MC2 (sur 55) se sont mis en grève pour dénoncer « la dégradation de leurs conditions de travail » comme ils l'ont expliqué dans un tract distribué au public du spectacle "Sombre rivière" annulé ce soir-là. Le lendemain (jeudi 14 décembre) en fin de journée, alors que la poursuite de la grève venait d'être décidée, nous avons rencontré certains grévistes, qui vont décider chaque jour de la poursuite (ou non) du mouvement.


Les salariés grévistes nous reçoivent (nous et un journaliste de Place Gre'net) jeudi 14 décembre à 18h dans la salle vidéo de la MC2, en face du petit théâtre. Ils viennent de décider d'un deuxième soir de grève (et donc d'une nouvelle annulation du spectacle Sombre rivière de Lazare). On est venus les rencontrer pour, au-delà du tract remis au public, comprendre les raisons de ce mouvement déplorant « la dégradation des conditions de travail » comme ils l'ont écrit.

« C'est un sujet qui ne date pas d'aujourd'hui. Suite à certains soucis en interne, un rapport a été réalisé en 2015 par la médecine du travail. L'inspection du travail a ensuite fait une enquête dans certains services – administration et secrétariat général. Certaines choses ont été pointées par rapport à des salariés en souffrance au travail. Et depuis ce temps, il y a des échanges entre la direction, la médecine du travail et l'inspection du travail, mais qui n'aboutissent pas à des résultats concrets au niveau des salariés. »

Les grévistes (qui souhaitent s'exprimer collectivement, même si nous en avons rencontré trois) dénoncent « une absence de lisibilité de l'organisation du travail ayant pour effet de mettre le personnel dans une situation de surcharge et d'urgence permanente ; un management déstructurant et contre-productif ; et une dégradation du dialogue social et de l'ambiance de travail. »

« Un manque d'écoute, de concertation »

D'où cette grève, qui peut sembler soudaine mais qui, selon eux, ne l'est pas du tout. « Ce que l'on fait aujourd'hui, nous aurions dû le faire depuis longtemps. Mais il y a un an et demi, on n'était pas tous sur la même longueur d'onde, certains salariés ne mesuraient encore pas la gravité de la situation. »

Ils poursuivent : « Les conditions ont commencé à se dégrader quand la nouvelle direction est arrivée. Ça a débuté avec un manque d'inclusion du personnel dans le nouveau projet, et après un manque d'écoute, de concertation. Il s'en est suivi une aggravation des problèmes de chacun, avec de la pression, de la surcharge de travail... »

Derrière l'expression « nouvelle direction », comprendre Jean-Paul Angot (que nous avons sollicité, mais qui ne s'exprimera pas avant d'avoir rencontré une délégation ce vendredi 15 décembre), arrivé aux commandes de la MC2 début 2013 à la suite de Michel Orier, et réélu cette année pour un nouveau mandat de trois ans. « La chance de ce directeur, c'est qu'il est rentré dans une maison avec des salariés professionnels qui connaissaient leur métier. Mais il a tout voulu chambouler : s'il l'avait fait pour faire mieux, OK ; sauf qu'il a tout désorganisé. »

Aujourd'hui, les grévistes conditionnent la reprise du travail à trois points détaillés dans leur tract : « sanctuarisation des accords internes d'entreprise, accord sur la pérennisation de l'emploi et de la masse salariale et refus de la dégradation des conditions de travail ». « Pérennisation de l'emploi » donc. Car un autre point, qui inquiète les grévistes, est à prendre en compte : « le modèle économique actuel n'étant pas soutenable, la MC2 doit s'attacher en priorité à la résorption du déficit » écrivait la Cour des comptes en décembre 2016 dans un rapport très critique sur la gestion de la scène nationale. En 2016, ce déficit était de 432 000 euros, sur un budget de 10 millions : une situation économique qui « menace nos emplois, sans que la direction ne propose de solution pour l'avenir » (extrait du tract).

« C'est très froid »

En ce deuxième jour de grève, la situation semble vraiment tendue (l'un des grévistes a même fondu en larmes devant nous – « On tient, mais on est vraiment à la limite. Et c'est vraiment dur de venir travailler. Tous les matins on se pose la question : qu'est-ce qu'on va foutre dans cette maison ? »), même si tout le monde, grévistes et direction, est bien forcé de se croiser dans les couloirs. « C'est très froid. »

Un conseil d'administration, présidé par le président de Grenoble-Alpes Métropole Christophe Ferrari (comme l'an passé la MC2 a été transférée de la Ville de Grenoble à la métropole) a été convoqué ce jeudi 14 décembre avec les différentes tutelles. Car elles auront aussi leur mot à dire (près de 2/3 du budget de la MC2 vient de subventions publiques). Mais les grévistes assurent qu'ils n'en est rien sorti de concret – d'où la reconduite de la grève.

En attendant, ces grévistes vont décider quotidiennement de la suite donnée à leur mouvement, sachant que des gros spectacles arrivent très vite : les Musiciens du Louvre ce vendredi 15 décembre (1000 spectateurs sont attendus), puis la semaine prochaine Minuit de Yoann Bourgeois et surtout Chotto Desh, pièce du chorégraphe Akram Kahn dont les cinq représentations sont archi complètes depuis des mois.

« C'est avec regret que nous en arrivons à faire grève aujourd'hui. Nous souhaitons retrouver rapidement des conditions de travail nous permettant de remplir au mieux nos missions de service public » ont écrit les grévistes en fin de tract.


<< article précédent
"Wonder" : tenir tête à la méchanceté