Mendelson : science poétique

C'est avec un drôle de projet baptisé "Sciences Politiques" que le groupe Mendelson nous est revenu l'an dernier après un album fracassant de noirceur : celui de transposer en français quelques classiques parfois enfouis du rock anglo-saxon pour en faire un manifeste politique qui remet la langue dans le bon sens. À découvrir sur la scène de la Source.


Il faut se souvenir du livre Demain, j'arrête la langue de bois, publié en 2006 par Jean-François Copé. Lequel entendait replacer la parole sur le terrain de la vérité (MDR) en livrant quelques soi-disant indispensables secrets de fabrication. Mais dans la bouche et sous la plume d'un tel expert en ébénisterie sémantique (qu'on eut pu aisément rebaptiser "Jean-François Copeau"), un tel titre démontrait surtout par l'absurde et le cynisme, outre cette incorrigible propension à jeter les promesses en l'air pour voir si elles retombent, l'impossibilité de détacher langue de bois et éléments de langage, cette novlangue mort-vivante décollée de la réalité, d'une parole politique digne de ce nom, vouée à s'effriter, jusqu'à ne laisser derrière elle que désillusions et bulletins de vote raturés.

À cela, les disques du groupe Mendelson font heureusement office d'antidote. C'est le cas de Sciences Politiques, sorti en pleine année électorale et nourri par la nécessité de s'exprimer face à la violence de la société ; de rouvrir les yeux sur cette maison qui brûle pendant que, comme disait Chirac, nous regardons ailleurs ; de répondre par le haut et frontalement à la bêtise et au cynisme.

Oh bien sûr, Mendelson n'en est pas à son coup d'essai, il n'a pas soudainement vu la lumière choir sur sa conscience. En réalité, tous ses albums résonnent plus ou moins d'un écho politique et le précédent, Mendelson, allait si loin dans la radicalité esthétique et discursive qu'on le voyait mal aller plus loin. Sans doute parce que l'on manque d'imagination.

Simplifier, réduire

Sur Sciences Politiques, c'est sans doute la force du concept qui permet au groupe d'aller plus loin, autrement, Mendelson ayant choisi de frotter sa langue si particulière à quelques incunables du rock anglo-saxon, sous la forme d'adaptations libres en français qui en préservant l'esprit et parfois la lettre des originaux, dessinent au vitriol les contours du marasme français, et ce qu'il y a dedans ; balaie les problèmes, à tous les sens du terme, et devant notre porte.

Ainsi The Ghost of Tom Joad de Bruce Springsteen devient-il Le soulèvement, morceau d'une paradoxale douceur sur l'effroyable sort des migrants, ces Tom Joad de notre siècle ; That's entertainment de The Jam devient Les Loisirs, sur la vacuité de notre existence ; Youth Against Fascism de Sonic Youth devient La Nausée, renvoyant dos à dos Front National et terrorisme ; et Left on Man de Robert Wyatt devient La Liberté, dont le mantra prend la forme du reproche souvent fait aux revendications de gauche : « simplifier, réduire ».

Or c'est précisément ce que fait ici Mendelson : débarrasser la parole politique de ses fanfreluches pour enfin aller à l'essentiel, se tenir debout et déclamer : « Partout où un flic tabasse un mec / Partout où un nouveau-né hurle de faim / Partout où l'homme se conduit comme une bête / Partout où quelqu'un se bat je serai là / Partout où quelqu'un cherche un endroit pour vivre / Un boulot normal ou juste un coup de main / Partout où quelqu'un cherche à être libre / Regarde ses yeux et tu verras les miens. » C'est peut-être là la vraie politique, et si elle se paie de mots, c'est, comme le dit souvent Pascal Bouaziz, leader de Mendelson, pour mieux les rembourser.   

Mendelson + Pelouse
À la Source vendredi 19 janvier à 20h30


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