Ivres de La Jungle

Naviguant entre le math, le kraut et le tribal, le duo de noise rock La Jungle, qui sera vendredi 16 février sur la scène de la Bobine, produit depuis Mons, en Belgique, une musique si implacable qu'elle en devient exotique. Et dont la sourde et agressive détermination cache quelques trésors de finesse guère mieux intentionnés.


Sur la pochette de leur dernier mini-album II (mini au nombre de titres, pas au niveau de la durée), au pied d'une guillotine, des cadavres de pastèque : un fruit que les deux musiciens aiment maltraiter en se l'enfonçant parfois de force sur la tête – on s'amuse comme on peut et puis ça rafraîchit. Sur celle du précédent : deux palmiers qui se font des nœuds aux troncs, faute de cervelle – cette fois ce sont les noix de coco qui jonchent le sol. Et, dans pas mal de critiques, le terme "mental noise" qui revient, à comprendre au sens de "fou" ou "malade".

Tant il est vrai que dès l'instant où l'on enfile la camisole musicale de ces deux Belges venus de Mons et baptisés La Jungle, passé l'opinement de chef engendré par cette rythmique tribalo-matheuse, on commence très rapidement, à mesure qu'une voix répète en boucle et à toute vitesse « Hahehiho » (sur le bien nommé Hahehiho, un truc à la façon du groupe ne-yorkais Battles, effectivement en (dés)ordre de bataille), à travailler du chapeau – en forme de pastèque de préférence. On a droit, comme ça, à huit minutes de variations musicales comparables à ce que serait un épouillement à l'ancienne, à ceci près que les neurones y prendraient la place des poux.

État sauvage

Et ce n'est que le début – ou la fin, on ne saurait dire – tant les repères sont ici éparpillés façon puzzle. Dès le deuxième morceau, on est, nous annonce-t-on, techniquement décédés (Technically you are dead), ce qu'on avait présumé, ravagés par les coups de boutoirs de Reggie, sorte d'incarnation de l'Animal des Muppets frappant comme on tape sur des bambous lors d'une cérémonie de transe, et les décibels distordus de Jim, homme-singe du riff et du clavier rendus à l'état sauvage.

Mais si La Jungle porte bien son nom, ce n'est pas seulement du simple fait de cette sauvagerie, c'est aussi parce que l'on trouve dans cette musique primitive, cet univers hostile, tout un écosystème dont la richesse d'idées offre, au détour des feuillages denses, des paysages insoupçonnés dont la beauté fait oublier la rudesse. Mais pas la finesse retorse, la véritable cruauté à l'œuvre, celle qui se cache dans les détails : à l'image de Cold, dernier titre vénéneux de II, il arrive parfois que dans la jungle, croyant s'accrocher à la branche qui nous sauvera, on attrape un animal à sang froid, dont la morsure produit un délire qui peut être fatal. En cela, La Jungle est à la fois le poison et l'anti-venin.

La Jungle + Monotrophy
À la Bobine vendredi 16 février à 20h30


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