"Réparer les vivants" : quand la greffe prend grâce à Sylvain Maurice

Et voici une version très aboutie, signée Sylvain Maurice, de "Réparer les vivants", roman de 2013 de Maylis de Kerangal bientôt exploité jusqu'à la moelle ose-t-on à peine écrire. Cela tient en grande partie à l'acteur Vincent Dissez qui, sur un tapis roulant, livre un exercice physique à la hauteur de l'intensité du texte.


C'est l'histoire d'un texte à succès (Réparer les vivants) de Maylis de Kerangal qui a fait la joie d'une cinéaste (Katell Quillévéré) et, surtout, de metteurs en scène,  à commencer par Emmanuel Noblet, dont le solo a été couronné d'un Molière du meilleur seul-en-scène l'an passé. En 2016, Sylvain Maurice, directeur du centre dramatique national de Sartrouville, crée à son tour sa version du roman et adjoint à son comédien Vincent Dissez le musicien Joachim Latarjet, indispensable à l'équilibre de ce récit éminemment âpre.

Ainsi donc un anesthésiste raconte par le détail comment il va prélever l'organe d'un adolescent décédé brutalement et le transférer dans le corps d'une autre. D'où cette phrase sublime, et désormais usée jusqu'à la corde, extraite de Platonov de Tchekhov : « Enterrer les morts, réparer les vivants. »

Footing théâtral

La réussite de ce spectacle-ci tient au choix très intelligent d'allier un comédien sur un tapis roulant (qui se livre ainsi à un exercice physique aussi rude que le texte qu'il prononce), un musicien en surplomb (qui participe tout autant à cette course effrénée contre la montre du don d'organe) et une scénographie simple mais pas rabougrie. L'espace de jeu est réduit a minima, au centre, certes, mais cet attelage évite une nudité paresseuse et offre une tenue aux comédien/musicien qui ne se noient pas sur le plateau.

L'homme aux manettes de cette scénographie est un expert de la précision puisqu'il se nomme Éric Soyer, acolyte aux lumières et aux décors de Joël Pommerat. S'il ne fait pas preuve ici du travail de dentellier qu'il produit pour l'auteur de cinglantes réadaptations de contes (entre autres !), il met en évidence son art de la concision. Et c'est plus que bienvenu pour un texte qui exige de chacun d'être d'une justesse absolue sans quoi le pathos qui guette ensevelirait toute la pièce.

Réparer les vivants
À l'Hexagone (Meylan) du mardi 6 au vendredi 9 mars à 20h


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