Les Filles de Simone : « La maternité reste un angle mort du féminisme »

Et voici un spectacle intelligent et, surtout, très drôle sur les difficultés à être mère, rôle pas naturellement évident. Son titre ? "C'est (un peu) compliqué d'être l'origine du monde". Enthousiastes que nous sommes, nous en avons discuté avec Tiphaine Gentilleau, l'une des deux comédiennes du bien nommé collectif Les Filles de Simone.


Comment est né ce spectacle centré sur la maternité ?

Tiphaine Gentilleau : En fait, avec Chloé [Olivères, la deuxième comédienne sur scène – NDLR], on a été enceintes à trois mois d'intervalle, ce qui a soulevé pas mal de questions en nous – sur le milieu professionnel, médical… Sachant qu'avant, on se questionnait déjà sur le fait de faire du théâtre avec nos convictions féministes. En en discutant, on s'est rendu compte qu'il y avait beaucoup d'expériences partagées, de vécus pas très simples qui étaient en fait d'une banalité sans nom. Donc on s'est dit qu'il y avait vraiment un sujet pour en faire un spectacle.

Quelles ont été vos sources d'inspiration ?

On a beaucoup lu sur le sujet. On a découvert par exemple l'historienne Yvonne Knibiehler, qui a véritablement axé son travail sur l'histoire de la maternité. En la lisant, ça nous a vraiment confirmé qu'il y avait un sujet. Du coup, on a nourri toutes nos improvisations et recherches sur le plateau de différentes lectures – Simone de Beauvoir, Élisabeth Badinter, Antoinette Fouque ou encore Marie-Caroline Missir et Louise Tourret, deux journalistes qui ont fait un état des lieux de la maternité aujourd'hui.

On a lu toutes ces femmes pas forcément pour être d'accord avec elles, mais pour s'en imprégner. Et surtout découvrir que la maternité reste un angle mort du féminisme, qui s'est construit dans les années 1970 sur la nécessité de pouvoir ne pas avoir d'enfant avec l'accès libre à la contraception, à l'avortement… On a alors fictionnalisé tout ça, en complétant avec nos expériences personnelles et les récits que nos amies ont pu nous livrer, pour prendre de la distance et en faire du théâtre.

En découle un spectacle très drôle…

Oui, ce n'est pas du théâtre-documentaire. On n'avait pas du tout envie d'être didactiques, de faire donneuses de leçons ou agressives. On pense que le rire reste un vecteur populaire au sens noble du terme, qui peut faire passer beaucoup de choses. Même si, au début du projet, ce n'était pas forcément calculé.

Votre collectif s'appelle Les Filles de Simone. À quelle Simone faites-vous référence ?

À Simone de Beauvoir bien sûr, figure tutélaire du féminisme qui, il se trouve, n'a pas eu d'enfant : on trouvait ça marrant de lui en faire dans le dos ! Mais aussi à Simone Veil. Et il se trouve que la mère de Chloé s'appelle également Simone. Comme quoi !

C'est (un peu) compliqué d'être l'origine du monde
À la Rampe (Échirolles) mercredi 7 mars à 20h


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