"La Nuit a dévoré le monde" : Paris, je te zombifie

Jeu d'évasion dans les conditions d'un réel apocalyptique, ce premier long-métrage aussi sobre que maîtrisé réunit un trio brillant autour d'un scénario rigoureux. En peuplant la capitale de zombies désarticulés, Dominique Rocher gagne haut le moignon son Paris.


Au lendemain d'une nuit agitée, dans un recoin de l'appartement de son ex (où il était venu chercher ses affaires en pleine soirée festive), Sam découvre que le monde est désormais peuplé de zombies. Se pourrait-il qu'il soit l'ultime homme sur Terre ? À lui d'organiser sa survie…

De son titre poétique à sa réalisation d'une efficacité à faire pâlir George A. Romero, La Nuit a dévoré le monde s'impose par sa singularité dans un paysage contemporain montrant une insatiable appétence pour le cinéma de genre, et tout particulièrement horrifique. Les séries à succès telles que The Walking Dead ou Les Disparus n'y sont sans doute pas étrangères, elles qui ont également contribué au décloisonnement des univers et prouvé aux derniers rétifs que Cronenberg ou Carpenter sont davantage que des seigneurs (saigneurs ?) dans leur partie gore.   

Naufrage, ô désespoir

Maîtrisant la grammaire du film de zombies, le réalisateur Dominique Rocher installe un climat parfaitement anxiogène de bout en bout : il évite tout temps mort – si l'on ose – en dosant les surgissements de figures terrifiantes et distillant avec un vice d'horloger les situations de contamination pour son héros. Plutôt que de saturer l'écran d'images grand-guignolesques, il investit à la manière d'un virus l'imaginaire de ses spectateurs. La base, direz-vous, lorsque l'on se risque dans ce registre… Attendez de voir Les Bonnes Manières de Juliana Rojas et Marco Dutra, en salle le 21 mars, pour constater combien un maniement maladroit des effets spéciaux et une réalisation paresseuse peuvent saborder le potentiel fantastique d'un film !

Ici, Rocher transcende son "survival" en faisant de son héros un Robinson au milieu d'un océan de zombies pareils à des requins affamés. L'immeuble dans lequel il s'est retranché a d'ailleurs tout d'une île qu'il va écumer pour en tirer la moindre ressource, les moindres vivres. Il se découvrira même plusieurs équivalents de Robinson donnant quelques-uns de ses appréciables rebonds à ce récit  haletant pouvant, de surcroît, se prévaloir d'une distribution internationale sans défaut – Anders Danielsen Lie, Golshifteh Farahani, Denis Lavant, Sigrid Bouaziz…. À consommer de toute urgence : ce genre de denrée cinématographique a une durée de validité souvent réduite sur les écrans.

La Nuit a dévoré le monde
de Dominique Rocher (Fr., int-12 ans, 1h34) Anders Danielsen Lie, Golshifteh Farahani, Denis Lavant…


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