"L'Ordre des choses" : dura lex, sed Frontex

de Andrea Segre (It.-Fr.-Tun., 1h55) avec Paolo Pierobon, Giuseppe Battiston, Olivier Rabourdin…


Jadis bretteur de compétition, Rinaldi est désormais un superflic chargé par le gouvernement italien de garantir l'étanchéité de la frontière européenne avec la Libye. En visite dans un camp de réfugiés dirigé par ses interlocuteurs africains, il est abordé par une jeune femme. Va-t-il l'aider ?

Toute l'ambiguïté de la politique européenne en matière et d'accueil et d'aide humanitaire aux réfugiés (qu'ils soient politiques, climatiques ou économiques) se trouve résumée dans ce film, illustrant à sa manière le concept du mort/kilomètre. Tant que ce haut fonctionnaire gère des flux abstraits, étudie des dossiers et peut rapporter de ses déplacements à l'étranger des bijoux typiques pour son épouse ou enrichir sa propre collection d'échantillons de sable, le cours confortable de son existence ne connaît pas de perturbation. La conscience en veilleuse, bien abritée derrière la raison d'État (ou plutôt des États de l'UE), Rinaldi – impeccable Paolo Pierobon – mène une vie identique à celle de n'importe quel homme d'affaires. Sauf que son business d'import/export concerne l'humain et dépend d'élus, d'administrations et de négociations avec des négriers contemporains. Lesquels assument l'absolue ignominie de leur négoce, quand Rinaldi pare son job de vertus et de rectitude.

À ceux qui interrogent la compassion européenne, et sa volonté politique d'agir au nom de préceptes simplement éthiques, L'Ordre des choses apporte une réponse brûlante d'actualité et glaçante de pragmatisme, sans jamais tomber dans le prêchi-prêcha ni le conte de fées. Demeure, comme toujours, l'espoir qu'un individu entre en révolte camusienne.


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