Elli et Jacno, Étienne Daho... : la généalogie pop (et folle) de Calypso Valois

Son ascendance même (elle est la fille d'Elli et Jacno et la filleule d'Étienne Daho) a suffi à nourrir la hype autour de Calypso Valois, apprentie actrice (pour Olivier Assayas notamment) déjà remarquée au sein du duo Cinema que sa rencontre avec le compositeur et producteur Yan Wagner et les encouragements ont poussée pour de bon derrière un micro. Jusqu'à accoucher d'un premier album, "Cannibale", à la séduisante duplicité, entre mélodies pop, atmosphères savantes et rythmiques robotiques. Avant de la découvrir sur la scène de la Maison de la musique de Meylan, on tente ici de faire son arbre généalogique autant réel que fantasmé.

Aurélien Martinez (avec Stéphane Duchêne)


Les parents : Elli & Jacno

A Bailar Calypso (1987), c'est un tube dans la pure veine de ce que le meilleur des années 1980 a pu produire. Un morceau signé Elli Medeiros, à qui l'on devait déjà l'efficace Toi mon toi sorti un an plus tôt, qui s'adresse donc à une énigmatique Calypso « mi amor » – la chanteuse est née en Uruguay, d'où l'espagnol. Calypso est ainsi le prénom de la fille qu'Elli Medeiros a eu avec le musicien et chanteur français Jacno (Denis Quilliard). Un couple que la France découvre d'abord dans le groupe Stinky Toys, précurseur du punk en France, avant de voguer en duo sous le nom d'Elli et Jacno. Et de marquer le début des années 1980 avec leur son fait de synthétiseurs minimalistes qui convenaient parfaitement à leurs chansons pop et légères comme Main dans la main (dont les paroles sont un véritable hymne à la tolérance, contre tous ces tenants d'une norme rétrograde) ou le magnifique Les Nuits de la pleine lune, qui servit de bande originale au film du même nom d'Éric Rohmer.

Le duo se sépare en 1985, chacun voguant alors vers une carrière solo en dents de scie. Jacno meurt d'un cancer en 2009, à l'âge de 52 ans, dans une relative indifférence – même si son tube Rectangle lui a assuré une belle reconnaissance. Avant de bénéficier d'une hype posthume, notamment grâce à l'album de reprises Jacno Future regroupant des grands noms comme Christophe, Dominique A, Brigitte Fontaine, Jacques Higelin, Katerine, Benjamin Biolay… Un album dans lequel, en duo sur l'indémodable Amoureux solitaires que Jacno avait composé pour Lio en 1980, on retrouve Étienne Daho et Calypso Valois, soit le parrain et la filleule. Classe.


Le parrain : Étienne Daho

En tant que fan des Stinky Toys, Étienne Daho a été proche d'Elli et Jacno. Il a même organisé un de leurs concerts à Rouen en mode débrouille. Du coup, quand il a commencé à faire de la musique, il s'est logiquement tourné vers eux : Jacno a ainsi produit en 1981 son premier album Mythomane. Un compagnonnage artistique mais aussi personnel, puisque Daho devient ensuite le parrain de Calypso Valois. « Quand j'ai perdu mon père, il a été hyper présent. C'est cliché ce que je dis mais c'est vrai. Et depuis on est super proches » déclarait-elle en novembre sur le plateau de l'émission Quotidien, alors qu'Étienne Daho était invité pour promouvoir son dernier album Blitz.

Si Daho n'a pas participé officiellement au premier album de Calypso Valois, il l'a beaucoup soutenue et conseillée – il a financé ses premières maquettes. Et l'histoire (ou du moins Calypso Valois) raconte même que c'est lui qui l'a poussée à chanter, d'abord dans le cadre du duo synth-pop Cinema formé avec Alexandre Chatelard, puis en solo. Bonne idée et joli déblocage, vu que l'héritage classique transmis par sa grand-mère paternelle (la mère de Jacno), une fan de Chopin qui a mis l'enfant au piano dès l'âge de 5 ans, a d'abord été un frein pour que la jeune Calypso ose se lancer véritablement dans la musique, bien plus que la carrière de ses parents.


Le grand frère : Yan Wagner

« Il occupe une place prépondérante dans la musique française et en même temps un peu à part. Il est en tout cas parmi les pionniers d'une vraie pop française – j'entends par là une musique qui ne met pas tout dans les paroles, qui prend en compte le son et la production comme le faisaient les Anglo-Saxons. C'est devenu aujourd'hui quelque chose de tout à fait banal, mais c'était assez rare auparavant. »

Voilà ce que nous déclarait en 2014, dans le cadre d'un article sur Étienne Daho alors de passage à Grenoble, le musicien Yan Wagner (deux très chouettes albums à son actif), qui peut, avec d'autres (cette génération d'artistes qui revendiquent l'héritage des Daho, Jacno & co, baptisée comme ses aînés "jeunes gens modernes"), être vu comme l'un des filleuls potentiels du pape de la pop. Voire de Jacno. Logique donc qu'on le retrouve aux commandes du premier album de la véritable filleule de Daho.


Les cousines : Fishbach, Cléa Vincent, Juliette Armanet…

Aujourd'hui, Calypso Valois n'est pas la seule à porter ce glorieux héritage musical. Entre variété 80's et cold wave, la jeune Fishbach (elle est née en 1991) a par exemple livré l'an passé le vénéneux À ta merci, album défendu dans une série de concerts habités (comme celui de novembre dernier à la Source) qui lui valurent de figurer parmi les nommés de la catégorie "révélation scène" des dernières Victoires de la musique (Victoire remportée par Gaël Faye).

Et d'emmener dans ses bagages, pour quelques premières parties, une certaine Calypso Valois. Façon de déclarer que les jeunes gens modernes sont éternels, et qu'ils essaimeront encore longtemps, que ce soit avec elles deux comme avec leurs autres potentielles cousines Cléa Vincent ou la autant Sanson-compatible que Daho-compatible Juliette Armanet – sa reprise du morceau Des heures hindoues de Daho sur la scène des Victoires était sublime.


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