"The Captain - L'usurpateur" : l'habit fait le nazi

de Robert Schwentke (All-Fr-Pol, 1h59) avec Milan Peschel, Frederick Lau, Waldemar Kobus…


« Tout est affaire de décor » écrivait Aragon dans Bierstube Magie allemande. Et de costume aurait-il pu noter en codicille, s'il avait eu à évoquer cet hallucinant épisode de la Seconde Guerre mondiale, qui superlative l'inhumanité jusque dans les ultimes instants du conflit, au printemps 1945. S'insérant dans ce « temps déraisonnable », l'histoire du soldat allemand Herold est une farce macabre, un rire qui se fige en effroi, froidement saisi par un noir et blanc tranché ; une démonstration avant l'heure de l'expérience de Milgram et de ses effets ravageurs dans un conte philosophico-historique.

Le personnage dont Robert Schwentke qui a choisi de suivre le tortueux sillage apparaît de prime abord comme un miraculé : déserteur ayant échappé à l'exécution, il tombe par chance sur la voiture d'un capitaine dont il endosse l'uniforme, puis ses prérogatives. Fédérant une troupe, il fait régner à l'arrière au nom du Reich la pire des terreurs : absurde, absolue et inutile…

Si Herold joue de son costume pour se sauver (la vie), commettant au départ par ses maladresses des bourdes risibles le rendant sympathique, ce sauf-conduit se transforme rapidement en piège dont il ne peut plus se défaire au risque de se trahir. L'uniforme de capitaine devient une seconde peau le condamnant à la surenchère criminelle et le transformant de victime dépositaire de l'empathie du spectateur à coupable objet de toute sa répulsion. Un changement de statut rarement observé : les retournements s'opèrent dans l'autre sens en général dans les fiction.

Sauf qu'il ne s'agit pas ici d'une fiction, et que Herold finit totalement contaminé, marabouté serait-on tenté de dire, par l'idéologie de sa vêture – au point que la sincérité de ses actes lui sera reconnue. Ironie glaciale, que renforce le générique final à ne surtout pas manquer.


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