"La Prière" : joints, les poings

de Cédric Kahn (Fr, 1h47) avec Anthony Bajon, Damien Chapelle, Alex Brendemühl…


C'est la dernière chance pour Thomas. Lourdement dépendant, violent, le jeune homme a accepté une retraite dans une communauté montagnarde dirigée par d'ex-toxicomanes n'ayant pour soutien que le groupe, l'amitié et la foi. Il va falloir tenir, avec la prière pour seul expédient.

Restant extérieur au protocole, comme un observateur privilégié un brin éthologue, le réalisateur Cédric Kahn s'intéresse crûment à la trajectoire particulière de son protagoniste durant sa parenthèse thérapeutique hors le monde "ouvert". Ni prosélyte, ni film à charge, La Prière ne prouve ni n'élucide rien : il montre les effets (placebo ?). Sur ce point, chacun se fera sa religion – une thérapie par l'ascèse, où une addiction est délogée par une autre (menant du désordre aux ordres), avant d'être chassée par une nouvelle idée fixe, d'ordre sentimental celle-là. 

Le déclic de la guérison reste aussi brutal dans son mystère que la cristallisation amoureuse ou la survenue d'un miracle : il faut vivre l'événement pour le ressentir ; aussi, les ellipses ménagées par Kahn laissent-elles toute leur place au doute. Finalement, c'est le verbe qui scelle la fin de la maladie lors d'une délivrance publique, en parfait synchronisme avec le renouveau de la nature.

Après La Tête haute (2015) d'Emmanuelle Bercot, et récemment La Fête est finie de Marie Garel-Weiss, Auvergne Rhône-Alpes Cinéma va-t-il se faire une spécialité des récits d'émancipation de jeunes adultes s'affranchissant de leurs démons et de leur passé de délinquant ? Toujours est-il que ces films portés par des personnages incandescents offrent à une nouvelle génération de comédienne et comédien de sacrés tremplins : preuve en est cet Ours d'argent décerné à Anthony Bajon à la dernière Berlinale, prélude probable à d'autres récompenses. Voilà une accoutumance meilleure pour la santé.


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