"Tribute to Marvin Gaye" : soul lovers

Jusqu'au jeudi 5 avril se déroule à Grenoble et sur le campus la douzième édition du Festival culturel interuniversitaire piloté par la communauté universitaire grenobloise et construit cette année autour du thème de l'infini. Avec de nombreuses propositions (une nocturne au Musée de Grenoble, des spectacles, une nuit de cinéma, des expositions…), dont un gros concert gratuit de clôture centré notamment sur le répertoire de Marvin Gaye. Histoire d'en savoir un peu plus, on a rencontré Ben l'Oncle Soul qui, accompagné d'une cinquantaine d'étudiants musiciens et chanteurs, reprendra les tubes de la légende de la soul à l'Anneau de vitesse du parc Paul-Mistral. Par Aurélien Martinez & Stéphane Duchêne


Une icône ; un fantasme ; une référence pour tous ceux qui ont voulu un jour se piquer de soul – sans pour autant jamais espérer égaler le maître. Plus que cela, Marvin Gaye, héraut et héros né en 1939, fut le premier chanteur de soul noir à capter un public blanc. Véritable machine à tube de la Motown à partir de 1961, grâce à sa voix tantôt crémeuse et tantôt déchirée, flottant sur trois octaves et modelée par le gospel, Marvin Gaye gagna au fil de sa carrière en profondeur et en sincérité. Comme le démontre son album phare What's Going On (1971), passage en revue, dans un écrin de mélancolie sucrée, des failles de la société américaine – la chanson titre se base sur le récit que son frère lui a fait de son expérience de soldat au Vietnam. Un album aujourd'hui encore considéré comme l'un des plus grands albums soul de l'histoire, voire même l'un des plus grands albums de l'histoire toutes catégories confondues.

Mais la légende est faite de failles. Après un autre grand succès (le chaudard Let's Get It On sorti en 1973), Marvin Gaye, confronté à un divorce provoqué par son goût prononcé pour les prostitués, s'enfonça dans l'alcool, la cocaïne, la banqueroute, et même la clochardisation. Après un bref retour en grâce au début des années 1980 (avec notamment le tube Sexual Healing en 1982, premier single depuis son départ de Motown), il sombra à nouveau et retourna chez ses parents où, un soir de crise de démence, son père l'abattit d'une balle en pleine tête. Nous sommes en 1984, il a quarante-cinq ans mais sa voix, elle, entre dans l'éternité.

« Le meilleur »

« C'était le meilleur chanteur de soul, notamment niveau technique. Il avait un cœur ouvert, une sensibilité à fleur de peau. » C'est par ces mots que le Soulman français Benjamin Duterde, plus connu sous le nom de Ben l'Oncle Soul, qualifie celui dont il reprendra une partie du répertoire pour le grand concert de clôture du Festival culturel interuniversitaire proposé par la Communauté universitaire Grenoble Alpes. Un Ben l'Oncle Soul qui, surtout, partagera la scène avec une cinquantaine d'étudiants musiciens et chanteurs, d'où l'originalité de cette aventure baptisée Tribute to Marvin Gaye.

L'idée d'un tel barnum est venue de Diera Radafiarijaona, chargé de développement culturel au Crous et accessoirement ami de Ben l'Oncle Soul qu'il souhaitait faire travailler avec le vivier d'élèves en musique de l'agglo. Ben dit oui de suite comme il nous l'a expliqué. « Il fallait alors trouver un répertoire et des arrangements suffisamment riches pour faire jouer tout le monde. C'est vraiment quand Diera a commencé à parler de chant lyrique que j'ai pensé à Marvin Gaye. Dans la "black music", le chant lyrique est assez rare, mais Marvin Gaye en utilisait. » L'entreprise est lancée.

Sauf que Marvin Gaye n'a pas que dix titres à son actif. « C'est vrai que son répertoire est balaise. Avec Vincent Stephan [le directeur artistique du projet – NDLR], on s'est tout tapé pour choisir les morceaux sur lesquels on pourrait faire bosser les cordes et les cuivres en même temps. Et il y en a un paquet ! On a donc sélectionné selon les thèmes qui continuent à avoir un écho en 2018, comme ceux qui parlent d'écologie par exemple… Et on a pris des titres que les gens pourront reconnaître, comme ses gros tubes What's Going On, Sexual Healing, I Want You…. »

« Une création ambitieuse »

Et voilà comment depuis « deux-trois mois », tout ce petit monde bosse sur la musique de Marvin Gaye, d'abord séparément par pupitre (rythmique, cordes, cuivres, chœurs…), avant « deux grosses répétitions générales ».

« L'objectif de ce projet est de permettre à de jeunes artistes de côtoyer le milieu professionnel du spectacle, de les ouvrir à d'autres esthétiques musicales et à d'autres méthodes de travail. La combinaison de ces différents publics et univers a permis de réaliser une création artistique ambitieuse faisant intervenir les acteurs culturels universitaires mais également les acteurs locaux » écrivent les organisateurs dans le programme de l'événement. Couplé à un show de la chanteuse allemande d'origine nigériane Ayo, dont l'efficacité sur les grandes scènes nous avait déjà sauté aux yeux lors du concert de clôture de l'édition 2015 du Cabaret frappé, ce gros événement gratuit promet d'être un beau moment de communion soul.

Tribute to Marvin Gaye avec Ben l'Oncle Soul + concert d'Ayo
À l'Anneau de vitesse (parc Paul-Mistral) jeudi 5 avril à 19h30


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