"Venise, sur les pas de Casanova" : quand les dessinateurs de BD dévoilent leur Venise

Avec cette exposition, le fonds Glénat pour le patrimoine poursuit son travail de légitimation de la bande dessinée en proposant un dialogue stimulant entre les peintres du XVIIIe siècle et les dessinateurs contemporains. À découvrir au Couvent Sainte-Cécile.


Les places prestigieuses et les horizons lumineux de la lagune pour les uns, les ruelles sombres et tortueuses pour les autres. Et pour cause : si les peintres vénitiens du XVIIIe siècle contribuaient, grâce à leur art, au prestige de la Sérénissime, les dessinateurs contemporains réunis ici ont été conviés à suivre les traces de Casanova, arpenteur sulfureux d'une Venise interlope, histoire de confronter les époques et les visions.

Si l'on peut se réjouir de la variété de style des dessinateurs invités, on regrette toutefois l'absence de femmes, ce qui aurait (peut-être) permis de renouveler l'image d'Épinal érotico-vénitienne autour de Casanova et d'ainsi éviter certains écueils auxquels Milo Manara et Miles Hyman n'échappent pas –  jeu de dévoilement à grand renfort de masques, femme lascive et mâle prédateur…

Cela dit, l'exposition offre de très beaux moments : la stylisation épurée de l'architecture vénitienne sous la plume incisive de François Avril (photo), la séquence panoramique barocco-décadente de Kim Jung Gi, les esquisses fantomatiques de Francesco Guardi… Et, bien sûr, le trait délicat du fameux peintre vénitien Canaletto, représenté dans l'exposition par un dessin.

Gondoles de l'apocalypse

La confrontation proposée prend tout son intérêt lorsque l'accrochage s'autorise un dialogue réjouissant entre les dessins "rentre-dedans" de Tanino Liberatore (père du héros de BD cyberpunk RanXerox) et les œuvres classiques venues de différents musées français. Alternent alors des évocations complémentaires et paradoxales.

Liberatore subvertit ainsi l'image idyllique de la ville à grands coups de visions apocalyptiques : paquebot démesuré surplombant la cité, Palais des Doges englouti par la mer… Du côté des "classiques", le peintre Francesco Guardi s'autorise une virée dans les arrière-cours délabrées (magnifiques !) et Canaletto offre un moment de calme loin du tumulte des grandes places ; tous deux contredisant finalement ce que nous racontions en début d'article !

Venise, sur les pas de Casanova
Au Couvent Sainte-Cécile jusqu'au samedi 16 juin


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