"Place publique" : le sens de la garden party

de et avec Agnès Jaoui (Fr, 1h38) avec également Jean-Pierre Bacri, Léa Drucker, Kévis Azaïs…


Pendaison de crémaillère chez Nathalie (Léa Drucker), productrice télé über-parisienne qui s'est trouvé un château à la campagne. S'y croisent Castro (Jean-Pierre Bacri), star du petit écran en perte de vitesse, son ex Hélène (Agnès Jaoui), leur fille (Nina Meurisse), ainsi qu'une foule de convives plus ou moins célèbres. Ça promet une bonne soirée… 

D'un côté, de petits maîtres cyniques torpillés par leur acrimonie, des jaloux vieillissants renvoyés à leur verte bile, des prétentieux décatis punis par où ils ont péché ; de l'autre, une valetaille issue du bas peuple qui finit par s'affranchir de cette caste prétentieuse en s'acoquinant au passage avec sa progéniture… Que d'êtres factices aux egos majuscules ; que d'individus attachants portant leur misère pathétique en sautoir. Avec Place publique, Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri (elle à la réalisation, eux deux au scénario et à l'écran) bousculent une nouvelle fois les lois de la chimie en changeant le vinaigre en nectar – mais, après tout, d'aucuns racontent qu'un mage d'antan changeait l'eau en vin…

À peine vécue par celle qui l'organise (Léa Drucker, parfaite en Gatsby moderne vissée à son téléphone), la réception servant de décor à cette galerie de personnages va déshabiller les puissants de leurs oripeaux, les ravalant à leur condition humaine. Ici, contrairement à la sentence marxiste, lorsqu'un élément se répète, il n'acquiert pas une valeur comique ; au contraire se teinte-t-il d'une profondeur et d'une gravité nouvelles. Ainsi, lorsque Castro s'empare du micro pour pousser la chansonnette au milieu des convives, sa première prestation (une imitation d'Yves Montand) tient de la kermesse d'école. Mais la seconde (une interprétation/incarnation d'Alain Bashung) ne donne plus du tout envie de rire : sa beauté mélancolique ferait plutôt frissonner.

On se demandait pourquoi ce film, dont on attendait la sortie fin 2017, avait été retardé : l'apparente similitude des contextes et la présence d'une tête d'affiche commune avec Le Sens de la fête d'Éric Toledano et Olivier Nakache, sorti l'automne dernier, ont sans doute motivé ce décalage. Au bout du compte, les deux films n'ont rien à voir l'un avec l'autre. Même s'ils ont un air de famille…


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