"Rumeur et petits jours" : avec le Raoul collectif, la parole est à l'adversaire

Fidèle à lui-même, le collectif belge questionne dans son deuxième spectacle les grands maux de l'époque – propriété, consommation, politique… S'il reste parfois à la surface de ses sujets dans un décor trop strict, il livre une salutaire envolée finale belle et absurde.


Ne pas s'attendre à un spectacle formaté, linéaire et récitatif : les Belges du Raoul collectif souhaitaient même ne pas parler dans cette création. Résultat, ils ne font que ça, eux qui n'ont pas le goût des choses simples mais une idée fixe : comprendre comment il est possible de grandir en ce monde mis sous cloche du capitalisme, du libéralisme assassin.

Avec Le Signal du promeneur (2012), les cinq membres issus du Conservatoire de Liège proposaient une série de portraits de figures en marge (le faux médecin et vrai meurtrier Jean-Claude Romand, le navigateur Mike Horn, le héros d'Into the wild...) ayant dérapé, recrachant à la gueule de la société ce qui la rend indigeste – la compétition, la destruction de la nature… Ici, le même quintet s'est donné rendez-vous pour la 347e et dernière émission de radio avant que leur direction ne les vire : c'est alors l'heure des règlements de comptes et des batailles d'ego jusque-là étouffées.

Mais le plateau de radio comme espace de jeu laisse peu de latitude à l'imagination : d'un point de vue formel, leur Rumeur et petits jours (en opposition aux éclats du Grand soir révolutionnaire) peine à tenir en haleine, en dépit de ce jeu constant entre lumière et pénombre, d'apartés musicaux et d'objets aussi loufoques que dada comme les cactus déjà très exploités dans leur premier travail.

Miss Maggie

Le propos avait pourtant tout pour plaire, comme lorsque que la notion de propriété est évoquée à travers la qualité des rivières (si elles étaient privatisées, ne seraient-elles pas moins polluées ?), ou la problématique des animaux en voie de disparition convoquée lors d'une séance de diaporama incongrue. Car tout se monnaye : même Tina, celle du slogan "There Is No Alternative" de Margaret Thatcher fréquemment résumé par ces initiales, débarque en rappelant qu'elle nous a bien emprisonnés. Le fascisme n'est plus une affaire d'idées, mais de volume sonore avec lequel il est proféré. Les puissants manient un langage volontairement ultra technique pour ne pas se soumettre à la contradiction.

Cette gangrène lente et sournoise de la démocratie par le Mal est affichée clairement par ces Belges, qui ne sont jamais aussi bons qu'en s'autorisant in fine à inventer une scène onirique, bien plus explicite quant au crépuscule de cette société que les discours précédents, fussent-ils bien pensés.

Rumeur et petits jours
Au Théâtre municipal de Grenoble vendredi 18 mai à 20h30


<< article précédent
Six soirées à ne pas louper à Grenoble les quinze premiers jours de mai