"She's lost control again" : angoisses maison par Jeanne Susplugas

Au Centre d'art Bastille, l'exposition de la plasticienne française interroge le rapport au domestique à travers un parcours judicieusement pensé pour l'architecture singulière du lieu. Visite guidée.


Si vous avez la curiosité d'aller découvrir l'exposition de Jeanne Susplugas, faites nous plaisir, prenez la fiche de visite et ne la lisez pas ! Non pas qu'elle soit mal fichue ou inutile, mais simplement, conservez-la pour plus tard. Et, surtout, observez, explorez, laissez-vous imprégner par l'atmosphère… Car il y a dans l'œuvre de l'artiste française une intelligence des matériaux, des signes et de l'accrochage qui rend largement intelligibles ses intentions.

Dès l'entrée du Centre d'art Bastille, de troublantes maquettes, évoquant tour à tour un habitat pavillonnaire, une caravane ou une église, apparaissent comme autant de variations paradoxales sur la dimension carcérale de l'espace intime et domestique. À proximité, conciliant également les contraires, la sculpture en céramique d'une nature morte à la blancheur absorbante dissimule parmi ses fruits des boîtes de médicaments et fait face à une inscription lumineuse : « control ».

La vie des autres

Le ton est donné et l'inquiétude qui émane de cette première salle se maintient sur l'ensemble du parcours, dont une série d'objets du quotidien suspendus à une maison qui semble flotter dans les airs en constitue la pièce maîtresse. Ces objets, aussi triviaux que familiers, sont ceux que des personnes interrogées par l'artiste ont dit vouloir emporter si elles devaient quitter leur domicile dans l'urgence. Leur choix, susceptible de révéler certaines angoisses ou obsessions (un réveil, du doliprane, une bombe lacrymogène), peut aussi parfois laisser perplexe – une raquette de tennis ?

Ainsi, le visiteur parcours l'exposition sur le fil du rasoir, se rappelant constamment qu'il en faut peu pour que le refuge que constitue l'espace domestique devienne le lieu d'un repli sur soi. Et que derrière les façades standardisées d'habitats pavillonnaires se dissimulent parfois des violences d'autant plus inquiétantes que totalement insidieuses.

She's lost control again
Au Centre d'art Bastille jusqu'au dimanche 24 juin


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