"Whitney" : sépulture pop

Après Bob Marley, Klaus Barbie ou encore Idi Amin Dada, le réalisateur Kevin Macdonald poursuit son éclectique galerie de portraits par cet inattendu (et édifiant) documentaire sur la chanteuse Whitney Houston. Au-delà de la star, le miroir d'une époque, d'un système et d'une enfant déchue…


Whitney Houston (1963-2012) aura connu une gloire précoce dans la musique, accumulé les records au sommet des charts, triomphé sur grand écran grâce au film Bodyguard (1992), défrayé la chronique à cause des frasques de son conjoint Bobby Brown et de leur addiction commune aux stupéfiants… avant de sombrer dans le pathétique et de disparaître prématurément. Une issue inéluctable, à tant d'autres pareille dans l'étincelante galaxie du show-bizness où les divas aux ailes consumées sont légion.

Comment, alors, raconter "autrement" le parcours de la chanteuse, sans choir dans le pathos confit en dévotion du thuriféraire de base, ni le voyeurisme douteux du vautour de caniveaux ; sans sacrifier non plus à la complaisance hagiographique ni être instrumentalisé par les clans familiaux, détenteurs des droits, des images et des témoignages ? Le documentariste écossais Kevin Macdonald, avec son impressionnant sens du sujet et sa manière de l'approcher dans une globalité pour parvenir à en isoler la singularité, réussit à résoudre cette équation en apparence insoluble.

Allô Houston, on a des problèmes ?

Au moyen d'archives judicieuses et d'un montage subtil (le zapping de contextualisation des années 1980 à l'usage de celles et ceux ne les ayant pas forcément vécues est un modèle du genre), il défragmente le corps public de la star, brise « en mille éclats » l'image de la "poupée de son" avant de, patiemment, la refragmenter. Balayant les à-peu-près et on-dit tenant lieu de guenilles à sa réputation ; débarrassant sa voix de ces orchestrations synthétiques afin de retrouver la pureté du souffle a cappella.

Whitney Houston apparaît alors comme un marqueur historique, le symptôme pop d'un moment où société et spectacle se télescopent et précipitent dans la société du spectacle ; et l'on découvre également comment (et pourquoi) son statufiant statut d'idole a contribué à sa perte : adulescente mondialement adulée, Whitney Houston a été forcée de cacher la séparation de ses parents, de travestir ses orientations sexuelles, de jouer la comédie du bonheur conjugal avec Bobby Brown pour sauvegarder les apparences.

Avec un tact extrême et une profonde empathie, Macdonald obtient des proches de la chanteuse de saisissants aveux révélant à quel point celle-ci fut, son existence entière, la victime – la proie – d'un entourage et d'une industrie vampiriques. Si l'on se gaussait volontiers de ses rengaines sucrées, de sa manière de tenir exagérément la note ou d'abuser du vibrato, en sortant de ce documentaire on aurait plutôt envie de pleurer.

Whitney
de Kevin Macdonald (ÉU, 2h) documentaire
Sortie le mercredi 5 septembre


<< article précédent
"Fabrice Luchini et moi" : Olivier Sauton, l'apprenti sorcier