"Première année" : toubib or not toubib ?

de Thomas Lilti (Fr, 1h32) avec Vincent Lacoste, William Lebghil, Alexandre Blazy…


Par conformisme familial, Benjamin entre en première année de médecine où il est vite pris sous l'aile d'Antoine, un sympathique triplant acharné à réussir. Quand, à l'issue du premier semestre, le nonchalant bleu se trouve mieux classé que son besogneux aîné, leurs rapports changent…

Poursuivant son examen du monde médical après Hippocrate et Médecin de campagne, le réalisateur Thomas Lilti s'attaque concomitamment dans cette comédie acide à plusieurs gros dossiers. D'abord, ce fameux couperet du concours sanctionnant la première année commune aux études de santé, mais aussi l'incontournable question de l'inégalité profonde face aux études supérieures. La fracture sociale ne se réduit pas en médecine, bien au contraire : construite sur la sélectivité et l'excellence, cette filière est un vase clos favorisant la reproduction des élites – et de celles et ceux en maîtrisant les codes.

Enfant du sérail ayant déjà pas mal étudié la question, Lilti juge avec clairvoyance cette période plus dévastatrice qu'épanouissante pour les futurs carabins : est-il raisonnable de faire perdre la raison à des aspirants médecins ? Coupable, l'institution qui n'a pas su s'adapter perpétue des vieilles lunes, encourage la rivalité ; bannit la réflexion, la pratique, le contact humain.

Dépourvu d'histoire sentimentale (notez bien qu'en première année de médecine, on n'a du temps pour RIEN d'autre que le concours !), Première année, où l'amitié est brouillée et les relations familiales ravagées, est un océan de solitude(s). Un quasi thriller, voire une dissuasion à l'usage des novices. Et il tombe à point nommé, alors qu'une réforme du système est évoquée.

Judicieusement complémentaires, Vincent Lacoste et William Lebghil donnent du poids à cette épopée sur tables et paillasses. S'il ne doit en rester qu'un, on prendra les deux ex-aequo. Malgré le numerus clausus.


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