"Le Poulain" : l'art de miser sur le bon cheval

de Mathieu Sapin (Fr., 1h37) avec Alexandra Lamy, Finnegan Oldfield, Gilles Cohen…


Étudiant surdiplômé, Arnaud (Finnegan Oldfield)  se retrouve fortuitement embauché comme assistant d'une directrice de campagne électorale (Alexandra Lamy) à l'approche de la Présidentielle. À ses côtés, il va découvrir la réalité d'un métier où l'image compte davantage que les mots, et les opportunités que les convictions…

Cela ne pouvait finir autrement. À force de se frotter à la sphère politique (pour ses reportages dessinés en immersion lors de la présidentielle 2012 ou dans les coulisses élyséennes) ; à force de frayer avec Gérard Depardieu, des exploitants (le documentaire Macadam Popcorn) mais aussi des confrères illustrateurs ayant déjà franchi le pas (Joann Sfar, Riad Sattouf…), Mathieu Sapin était forcé de passer à la réalisation. Et d'aborder la chose politique par la voie intérieure.

Voyage d'un candide apprenant à nager dans un marigot de requins, cette fable documentée ne prétend pas brosser un portrait fidèle des sous-cases de notre échiquier politique actuel (comme La Conquête de Duringer) ni offrir un jeu de clés prospectif à la Borgen. Elle montre en revanche, avec une redoutable prescience, à quel point un individu lambda, parce qu'il se trouve au bon endroit et au bon moment, peut en un tournemain devenir le familier du Prince et s'octroyer indûment ses privilèges – ça ne vous rappelle vraiment personne ?

Sapin sait se tenir à distance de la trop grosse farce pour que son film demeure, en arrière-plan, vaguement inquiétant quant au fonctionnement de nos institutions, dirigées par des carriéristes dépourvus d'idées, d'affects et d'idéaux. Des énarques téléguidant d'autres énarques en s'inspirant de Clausewitz et Machiavel, pariant comme au casino sur la meilleure martingale – tout en se ménageant en plan B la meilleure trahison possible. Comme s'ils voulaient donner raison aux abstentionnistes… D'ailleurs, il n'y a pas l'ombre d'un électeur dans ce film.


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