"Cet étrange objet du réel" : l'Espace Vallès aux frontières du réel

L'exposition collective proposée le centre d'art de Saint-Martin-d'Hères réunit six artistes dont les pratiques variées ont pour point commun d'intriguer le regard et de susciter la curiosité. Visite guidée.


S'il y a bien une chose d'étrange dans la nouvelle exposition de l'Espace Vallès (dont le titre détourne le titre d'un fameux film de Luis Buñuel), c'est la manière dont les œuvres disparates parviennent à proposer un parcours visuel assez stimulant en forme de rebonds comme dans la comptine Trois petits chats... Alors suivons-le ! Passé la porte d'entrée, notre regard est accueilli par les masques de Nadine Lahoz-Quilez. Fabriqués à partir de plumes, de perles ou de faux cheveux, ils ont la particularité étrange de ne représenter aucune des parties du visage (nez, yeux, bouche...) et donnent l'impression paradoxale qu'ils nous tournent le dos, renforçant ainsi leur capacité à nous dissimuler.

La question de la dissimulation est également au cœur du tableau-installation saugrenu de Johan Parent dans lequel deux loupes en mouvement invitent le spectateur à ausculter la surface noire d'une toile monochrome. Conditionné par la lente rotation mécanique de ces loupes, notre œil est ensuite irrésistiblement attiré par les immenses vortex graphiques de Philippe Veyrunes. S'approchant de ces deux gigantesques dessins, notre regard discerne progressivement les milliers de coups de crayon nécessaires à leur réalisation. En effet, Veyrunes trace méticuleusement chaque trait dont la courbure est celle, naturelle, du geste de la main.

Marabout, marabout, marabout-bout-bout-bout…

Acclimaté à ce travail graphique de grand format, notre vision bascule ensuite vers les subtils dessins au stylo-bille de Manuel Dessort dont on échoue à identifier ce qu'ils pourraient représenter : lettres ? organes ? brochettes de viande ? C'est également vers des tentatives de saisie d'un réel qui nous glisse entre les doigts que s'orientent les propositions photographiques d'Estelle Jourdain, artiste qui produit des images à la lisière du visible.

Enfin, troubles de la perception à nouveau avec Christophe Canato dont les photographies de visages monstrueusement imbriqués jouent d'une gémellité inquiétante. Du double au masque, il n'y a qu'un pas. Retour à la case départ donc.

Cet étrange objet du réel
À l'Espace Vallès jusqu'au samedi 22 décembre


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