"Wildlife - Une saison ardente" : les noces rebelles

De Paul Dano (É.-U.., 1h45) avec Carey Mulligan, Jake Gyllenhaal, Ed Oxenbould…


Joe vient d'emménager avec ses parents dans un patelin des États-Unis des années 1960. Très orgueilleux mais incapable de garder un emploi, son père refuse que son épouse travaille. Il doit alors s'engager sur le front des incendies dans l'arrière-pays, accélérant la dissolution du couple…

Ce premier long-métrage réalisé par le comédien Paul Dano ressemble à ces verreries craquelées qu'on craint d'effleurer de peur de les briser. Non que le film soit fragile (il révèle au contraire une belle maîtrise de mise en scène et des dispositions dans la direction d'acteurs) mais parce que l'histoire et les personnages eux-mêmes, à fleur de peau et de chagrin, transpirent leurs douleurs. Il y a de la grandeur tragique dans ces fêlures.

Vu par un adolescent (étonnant Ed Oxenbould, avec sa physionomie de "jeune vieux"), ce récit de l'inéluctable éloignement d'un couple est aussi celui de la désagrégation désabusée d'un idéal : le "rêve américain", dont quelques ultimes miettes de réussite peuvent encore subsister. Lesquelles sont menacées par les flammes prédatrices d'un incendie permanent – toutes ressemblances avec une situation contemporaine…

Écartelé entre son désir utopique de maintenir ensemble ses parents et sa compréhension de l'impossibilité de ce vœu, Joe trouve un biais artistique de figer un passé voué à la consomption en se consacrant à la photographie. L'art comme dérivatif ultime, et la création de présent figé pour conjurer le temps. En anglais, nature morte se dit "still living"…


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