L'actualité, parfois, offre des ponts inattendus entre fiction et réalité. Entre théâtre et JT. Dans Nous savons, il est question de Carlos Ghosn, PDG de l'entreprise Renault dans laquelle, en 2011, un cadre a été accusé d'espionnage industriel au profit des Chinois. Il n'y aura pas de procès. Tout va se jouer en interne – même si, en 2017, les Prud'hommes se mêleront de cette affaire qui s'est très vite dégonflée. Et, miracle de cynisme, toutes les bandes de l'interrogatoire mené par le directeur juridique de l'entreprise et subi par ce prétendu accusé existent – d'autres responsables suivaient cela en direct !
De cette matière ahurissante qui pointe la paranoïa érigée en système, le metteur en scène Étienne Parc, qui lui-même a suivi des études pour devenir RH (« j'étais très bon en plans sociaux » confiait-il, mi-sérieux mi-amusé, sur France Culture), livre un spectacle froid et glaçant, crée en 2017 au festival Théâtre en Mai à Dijon. Sur le plateau, ses personnages se regardent peu (et même pas du tout au commencement) ; le texte de ce qui se dit s'inscrit sous nos yeux. Tout est aseptisé au maximum et devient presque virtuel.
Ce que montre Étienne Parc, qui a retravaillé l'écriture brute avec Jean-Charles Masserat, est la disparation de l'humain au profit d'une stratégie d'entreprise imaginaire. L'être humain n'est alors plus qu'une variable d'ajustement. Heureusement que le théâtre est là pour lui offrir un peu de répit.
Nous savons
À l'Hexagone de Meylan mardi 5 et mercredi 6 février à 20h