"La Balade sauvage" : balade culte signée Terrence Malick


Galvaudée par force d'emplois inappropriés, l'expression a perdu de sa substance. Mais en toute objectivité, La Balade sauvage (1973) – Badlands de son titre original – mérite son qualificatif de film fondateur. Mettant en vedette Sissy Spacek et Martin Sheen autant qu'il valorise leur jeunesse, ce premier long-métrage d'un cinéaste au caractère déjà bien trempé, Terrence Malick, est emblématique d'un cinéma volontiers divergent pratiqué par le Nouvel Hollywood : cassant les codes et les "bonnes pratiques" héritées des années Hays (du nom de ce code américain de censure appliqué à partir des années 1930). Comme dans Bonnie and Clyde (1968), on y suit un couple d'amants s'engageant dans un road-movie meurtrier ; comme dans Macadam Cowboy (1969), un duo d'anti-héros aux rêves trop grands est voué à une fin pathétique – le "happy ending" n'est plus de rigueur dans une Amérique aux espoirs fanés, glissant dans le désenchantement social et payant la facture de la guerre du Vietnam.

Demeure dans cette histoire d'amours adolescentes contrariées la beauté mordorée de la photographie signée ici par Tak Fujimoto – le futur chef-opérateur du Silence des agneaux et de Sixième sens faisait lui aussi des débuts flamboyants. Et l'une des rares présences physiques de Terrence Malick, figurant dans une séquence. On raconte même que celui-ci, se ravisant, avait voulu retourner la scène avec une doublure. Mais Martin Sheen avait pesé de tout son poids pour conserver la séquence intacte, allant jusqu'à risquer son renvoi du tournage, en refusant le "retake". Il arrive que les comédiens aient de la clairvoyance.

La Balade sauvage
Au cinéma Juliet-Berto mercredi 30 janvier à 20h


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