"Les Estivants" : congés rayés pour la grande Valeria Bruni Tedeschi

de & avec Valeria Bruni Tedeschi (Fr-It, 2h08) avec également Pierre Arditi, Valeria Golino, Riccardo Scamarcio…


Son compagnon venant de la quitter, Anna (Valeria Bruni Tedeschi) se trouve fragilisée. Pas les meilleures dispositions pour écrire son nouveau film, ni pour passer des vacances dans la villa de sa richissime famille, entre souvenirs, fantômes et vieux différends. Et si du chaos naissait pourtant un nouvel ordre ?

Sur le papier, ce film cumule les handicaps : quel intérêt pourrait-on éprouver à suivre, après Il est plus facile pour un chameau... et Un château en Italie, une énième variation sur les désarrois intimes et les relations compliquées de la cinéaste avec sa fameuse sœur et le non moins célèbre époux de celle-ci, de surcroît dans leur lieu de villégiature ? Ne nous permettrait-elle pas là de satisfaire un trivial goût pour l'indiscrétion, comme si l'on feuilletait une version respectable (et autorisée) d'un magazine people ?

Pourtant, on est vite gagnés par cet effet de dédoublement et de distance qu'elle s'impose. Par l'emboitement des mises en abyme et des échos rebondissant de film en film, également, d'une grande complexité théorique : les trois œuvres, indépendantes, forment un ensemble discontinu ; une chronique pirandello-proustienne où les personnages sont bien définis (l'héroïne, la mère, la sœur, le frère malade ou mort) mais jamais identiques. Ils peuvent ainsi déployer davantage de facettes en demeurant des archétypes, à qui chaque nouvel interprète donne une nuance nouvelle. 

Si elle récuse le terme d'autofiction, c'est bien une extrapolation de son vécu, une extension rêvée de sa vie s'arrêtant aux frontière du pudique que nous livre Valeria Bruni Tedeschi. Et qui voit surtout au-delà de son nombril : Les Estivants, prenant sa source dans Gorki (le film partage son titre avec une pièce de l'écrivain russe), n'oublie pas de traiter du doublet social maîtres/serviteurs, des oppositions "naturelles" entre les classes, jusqu'aux rapports ambigus interzones. Il s'agit donc autant d'une confession réflexive qu'un essai politique. Et c'est ainsi que Valeria Bruni Tedeschi est grande.


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