"Tattoo Art Print" : la voie de la déraison de Jean-Luc Navette

Si la nouvelle exposition collective de Spacejunk réunit trois artistes-tatoueurs, c'est essentiellement au travail de Jean-Luc Navette qu'elle est consacrée, et ce pour le plus grand plaisir du visiteur qui pourra savourer son univers halluciné et hallucinant.


Bienvenue au cœur de l'univers de Jean-Luc Navette. Dans une atmosphère fin de siècle, l'illustrateur et ancien tatoueur nous invite à découvrir un monde où se côtoient saltimbanques, colporteurs véreux, bluesmen dépressifs, matelots du Potemkine… Et même le diable, représenté sous la forme d'un bouc et que l'on trouve par exemple assis aux côtés du bluesman Robert Johnson connu pour s'être vanté d'avoir signé un pacte avec lui – ce qui ne l'empêchera pas de mourir à 27 ans, ouvrant ainsi la longue liste des musiciens disparus à cet âge fatidique.

Affectionnant les figures sulfureuses donc, Navette convoque leurs esprits et les convie à une orgie graphique foisonnante dont il est le délirant metteur en scène. Grâce à lui, tout ce beau monde participe à d'obscures processions mortuaires ou s'encanaille dans des maisons closes interlopes dans une ambiance mortifère qui, on le conçoit, peut ne pas être du goût de tous.

Cadavre exquis

Fasciné par l'activité de l'inconscient, les manifestations paranormales et toute forme d'ésotérisme, Navette s'inscrit dans la filiation des artistes symbolistes et surréalistes (certains dessins évoquent par exemple les collages de Max Ernst) et nous dévoile des scènes morbides issues de nos pires cauchemars : supplié par une nuée de petits hommes aux têtes de piaf, un révérend prie tandis que deux bacchantes mènent une danse lascive autour d'un cul-de-jatte dont le fauteuil roulant prend feu alors qu'il tente de se défaire de la cage à oiseau qui enserre sa tête.

Face à ces scènes délirantes où, à la manière d'un cadavre exquis, s'opèrent les associations les plus improbables, le visiteur ne peut que se laisser sidérer. Difficile alors pour Yann Black et Léa Nahon, les deux autres artistes exposés, d'exister.

Tattoo Art Print
À Spacejunk jusqu'au samedi 16 mars


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