"Bérénice" par Isabelle Lafon : en faire tout un drame

Critique du spectacle que la metteuse en scène propose à la MC2 jusqu'au jeudi 14 février.


C'est l'une des plus belles pièces du répertoire français. Un monument du XVIIe siècle, en plus de mille-cinq-cents magnifiques alexandrins, dans lequel un homme (Titus, empereur de Rome) renonce au grand amour (celui de Bérénice, reine de Palestine) pour ne pas perdre son pouvoir. S'attaquer à cette tragédie mythique de Racine qu'est Bérénice, c'est donc se confronter à tout un pan d'histoire et d'émotions. La metteuse en scène Isabelle Lafon, sans doute consciente de l'enjeu et du fait que beaucoup de grands noms du théâtre sont passés par là avant elle, a choisi de faire dans la sobriété visuelle. Point de décors grandiloquents, de costumes qui soulignent la noblesse des personnages : avec elle, on se retrouve face à une simple table et des interprètes (principalement des femmes, d'où le décalage intéressant) qui s'emparent du texte (au sens propre et figuré) comme s'ils étaient en plein travail et non en représentation. Ou comment la langue de Racine prend alors forme devant nous…

Le parti pris a le mérite de l'originalité ; pourtant, il s'essouffle vite. Surtout que ces brusques changements de jeu, quand la tension affleure, semblent caricaturaux, façon parodie de jeu tragique. Ah, mais attendez… Oui, c'est ça, que nous sommes premier degré ! À un moment, la metteuse en scène, présente silencieusement (mais en pleine contrition) sur le côté du plateau nu, va arrêter la pièce et expliquer que tout le monde fait fausse route, façon savoureuse mise en abyme sur le théâtre et ses scories. Quelle idée ! Bon, elle tarde à intervenir tout de même… La voilà ! Mais que fait-elle ? Ah, elle reprend le rôle de Bérénice. Avec toujours autant de douleur ampoulée – mais en plus retenue que la première comédienne qui la campait. « Ah ! Cruel ! »

Bérénice
À la MC2 jusqu'au jeudi 14 février


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